Paris mange-t-il ?
Institutions, tables conceptuelles, steakhouses, brasseries mythiques ou comptoirs gastronomiques : la restauration parisienne semble toujours disposée à investiguer de nouveaux concepts et n'aurait pas encore dit son dernier mot. Revue de détail des adresses qui comptent.
Quand Starck hacke le 8e
Délaissant Saint-Ouen pour la jeunesse dorée du Triangle d'Or, Starck sévit ce printemps avenue George V. Nom de code Miss Ko pour ce spot kitchissime et polymorphe totalement asianisé. Au menu, une fresque XXL de l'artiste-ami David Rochline composant un univers hautement fantasmagorique sous acide, un bar de quelque 30 mètres alignant une ribambelle d'écrans diffusant de l'info 100% issue de chaînes asiatiques, des néons en veux-tu en voilà, une carte un tantinet déroutante alternant sashizza (pizzetta au sashimi de thon rouge, bien sûr) et autres raviolis gyozas au bœuf bourguignon. Le tout sur fond de cocktails bling-bling. A tenter pour l'expérience.
Pour voir et être vu.
Prix : 50 € environ
On se fait un Bœuf ?
Depuis le 16 avril, Le Bœuf sur le toit, brasserie mythique de la rue du Colisée s'il en est, a rouvert ses portes avec, à la clé, une carte flambant neuf, un nouveau chef (Emilien Windels) tout droit sorti du Georges V, du Four Seasons, du Beau Rivage et autres Negresco et un décor revisité sans renier l'âme art-déco du lieu . On revient ici en pélerinage sur les traces de Jean Cocteau, de préférence un lundi, histoire de se fondre dans une atmosphère jazzy de bon aloi en enchaînant thon rouge en tartare, citron caviar, coulis de Piquillos et tuile macadamia ou encore homard bleu, asperges vertes et morille, jus de homard.
Benoît : L'institution
C'est l'un des derniers vrais bistrots parisiens, qui plus est auréolé d'une étoile, ce qui ne gâte rien : cédé à Alain Ducasse en 2005, Benoît a été durant de longues décennies le haut-lieu du Paris artistique et pittoresque des Halles. Autres temps, autres mœurs : la clientèle est devenue plus touristique et bobo, mais l'adresse vaut néanmoins toujours le détour, ne serait-ce que pour sa déco toute en miroirs, vitraux, stucs carreaux émaillés et boiseries mais aussi son menu du jour étonnamment abordable pour un spot ducassien. Pour les amateurs de terroir et de grands classiques devant l'Eternel, il y a là clairement de quoi saliver : endives gratinées au jambon, terrine de foies de volaille, poulet jaune des Landes sauté chasseur, langue de veau Lucullus, escargots en coquille, beurre d’ail, fines herbes. Rien ne manque à l'appel.
Prix : 38 € le menu du jour (3 entrées au choix, 3 plats au choix et un dessert à choisir sur la carte)
Le Bar de l'Entracte fait peau neuve
Immortalisé par Danièle Thompson dans "Fauteuils d’Orchestre", Le Bar de l'Entracte s'offre un relooking en bonne et due forme par l'un des chantres de la déco française et en profite pour s'offrir un nouveau nom de baptême.
Après deux années de travaux, l’hôtel Montaigne renaît de ses cendres toujours en face du Théâtre des Champs Elysées et à deux pas de l'antre du shopping de luxe. Pierre-Yves Rochon, le décorateur du Shangri-La Paris, d'une belle poignée de Four Seasons ou encore du Bristol, étant sur place pour redorer le blason du 4 étoiles, il en a évidemment profité pour repenser le bar art déco de l'hôtel. Résultat : "Rochon touch" oblige, c'est intimiste et chaleureux à la faveur d'un choix impeccable de mobilier en acajou plutôt magnifié par des camaïeux de rouges et de bruns. Côté assiettes, les grands classiques (sole meunière, king crabe, carré d’agneau...) sont accessibles tout au long de la journée dans une gamme de tarifs abordables, notamment un menu le midi à 29 € et un 3 plats à 36 € le soir ". Etonnant pour l'avenue Montaigne. A tenter sans retenue !
Agapé Substance : Toujours plus haut
Déjà bientôt deux ans que l'Agapé Substance, petit frère du restaurant étoilé l'Agape, a ouvert ses portes rue Mazarine et le constat est toujours aussi enthousiasmant : même sans étoile, la table du jeune Gaëtan Gentil (ex. Cheval Blanc, Crillon, La Chèvre d'Or, etc.) réussit le pari de nous surprendre et d'exciter nos palais atones. Sur cette immense tablée ouverte sur la cuisine, entre table d’hôtes et comptoir gastronomique, dans un décor épuré jusqu'à l'indécence, le produit recouvre toutes ses lettre de noblesse. Langoustine, asperge, blette, agneau, shiso, absinthe, nori, sansho se répondent dans un festival culinaire à faire frétiller les papilles les plus récalcitrantes et présentés en petites portions. Le must ? Autour de l’œuf ou un savoureux œuf cuit à basse température, espuma de brioche, crème de Comté et magret fumé. Classique et divin. Quant à Laurent Lapaire, le propriétaire il vous accueille avec convivialité et met la main à la pâte ! Ici grâce à d'immenses miroirs, chacun peut voir le ballet du chef et de ses collaborateurs, nous concocter de vrais tableaux printaniers, en 12 services ou en moins ! Et le vin est un hymne à la nature, servi par Thibaut, un sommelier enthousiaste qui nous fait voyager en France et même en Italie ! Un voyage gustatif intéressant ! A réserver impérativement ! Et les amateurs de vin traverseront la rue pour l'Epure, un bar à vins où découvrir de bons crus accompagnés d'assiettes de dégustation (fromages, jambons etc...)
Prix : 45 € le menu d’affaire - 199 € le menu accord mets et vins
Ma Chère & Tendre : Tout sur le bœuf
Avis aux amateurs de bonne chère, enfin un steakhouse à l'américaine conçu dans les règles les plus strictes de l'art qui vient d'ouvrir ses portes dans l'enceinte du Méridien Etoile, en lieu et place de L'Orénoc qui avait vraisemblablement fait son temps. Au menu, Simmental de Bavière, Black Angus,Salerset et autre Charolaise, des morceaux sévèrement triés sur le volet (bavette, faux-filet, noix d’entrecôte, rumsteck, côte à l’os, T-Bone, onglet en tête), un indispensable "surf & turf" (filet + demi-homard) comme tout bon steakhouse qui se respecte, du crab cake délicieux, et des desserts franco-américains entre coulant au chocolat Guanaja 70% et cobbler aux fruits de saison, avec une présentation très haute gastronomie. Bravo aux tables espacées et au choix de sauces. Pas nécessairement indiqué en période de restriction calorique, mais un vrai régal !
Prix : 55 - 75 €
Un bistrot à Auteuil
Saturé de restaurants au design chic ou minimaliste, il était plus que temps que le XVIe arrondissement de Paris retrouve enfin ce qui fait depuis quelques temps déjà le bonheur de nombreux autres quartiers de la capitale : le bistrot. C'est chose faite avec la réouverture du Beaujolais d'Auteuil, sous la houlette de Christelle et Thomas. Une ambiance chaleureuse règne dans ce restaurant style années 30 signé par l'architecte Gilles Guillot. Accueil souriant, équipe avenante, la froide distance n'est ici pas de mise et l'assiette proprement désarmante d'apparente simplicité. Coup de cœur pour la brioche façon pain perdu avec son caramel au beurre salé, la côte de bœuf appétissante ! Sans prétention, le Beaujolais d'Auteuil réconcilie le XVIe arrondissement avec le bistrot parisien, pour notre plus grande satisfaction.
Prix plus qu'abordables, comptez de 6 à 9 € pour l'entrée ou le dessert et les plats oscillent entre 15 € et 22 € en moyenne !
Prix : 30 € entrée-plat-dessert, sans vin
Mai 2013
Par Katya PELLEGRINO