Bruno Moinard, un esprit Haute Couture sans emphase
Chaleureux, tactile, avec une sensibilité à fleur de peau et une émotion qui peut affleurer à tout moment, Bruno Moinard, architecte de renom, a su rester simple et se remettre toujours en question. Le doute est son moteur, c’est ce qui le fait avancer. Il est l’homme qui a achevé en un temps record la rénovation du Plaza Athénée à Paris, côtoyé Andrée Putman durant 15 ans (1980/ 1995), travaillé dès le départ avec des personnalités comme Pinault ou Cartier. Comme si cela ne suffisait pas, il a aussi aménagé nombre de musées, (Arts Décoratifs, Rodin…), s’est occupé de scénographie, de l’espace luxe des Galeries Lafayette à Paris, et maintenant à Dubaï et Doha. Enfin, comme cela ne l’occupe pas assez, Bruno Moinard a lancé en 2014 sa ligne de mobiliers et luminaires et écrit des livres ! Rencontre avec Luxe Magazine.
Portrait Bruno Moinard par Xavier Béjot
Ce qui me plaît en lui, c’est qu'il garde les pieds sur terre et qu'il conserve intacte sa capacité d’émerveillement ! A ses yeux, son métier est un travail de doute, en atteste sa réflexion : « J’ai été reçu récemment comme un prince à Londres et à Doha et cela m’émeut. » Pour lui les relations humaines et l’écoute sont des qualités primordiales pour comprendre et décrypter le client qu’il a en face de lui.
Boutique Cartier Milan, Copyright Oddo Neri
Des débuts prometteurs
Tout va commencer par sa venue sur Paris où on lui demande de faire des dessins pour un projet. Il passe presque une nuit d’insomnie pour des croquis qui ne lui plaisent pas. Mais ils vont plaire à la grande prêtresse de l’époque, Andrée Putman et c’est le début d’une aventure qui durera 15 ans. De 80 à 95, il sera l’homme de l’ombre auprès d’un monument puis prendra son envol en 95 en créant son agence 4BI (le nombre de ses enfants, son initiale et celle de son épouse.)
Bar du Relais Plaza, Copyright Jacques Pépion
Qui se cache derrière Bruno Moinard ?
Depuis l’âge de 9 ans, j’ai été fasciné par le dessin, je savais intuitivement qu’il ferait partie de ma vie future. Mon père et grand-père eux, étaient tapissiers à Dieppe. En 3ème, j’ai passé le Concours des Arts Appliqués et Métiers d’Art. Sorti Major de ma promotion, dans le jury un architecte de Roanne me fait participer au projet de la cuisine des Trois Gros ! Un bon début pour moi (sourires !) Un an après, je pars à Paris et c’est Andrée Putman qui flashe sur mes dessins et me voilà auprès d’un « Monument ! »
Mobilier Bruno Moinard Editions, Copyright Jacques Pépion
Que vous a apporté la période Andrée Putman ?
D’avoir passé 15 ans auprès d’une célébrité, à écouter, à apprendre, à avaler des couleuvres et à encaisser des coups, vous forge et vous apprend le métier.
Une alchimie s’est créée entre nous mais elle gardait la mainmise sur tous les projets. Nous travaillions essentiellement sur le blanc, le noir et le gris. Ce fut l’époque où nous avons présenté le projet de décoration intérieure du Concorde à Bernard Attali.
William Shelly (fondateur de Et Vous) a fait aussi appel à Ecart (la société d’Andrée Putmann) pour créer des boutiques. Grâce à eux, je suis parti travailler entre autres en Corée.
Y a-t-il un esprit Moinard ?
Le luxe sans emphase !
J’essaie en premier lieu de comprendre le lieu, son côté spécifique et de décrypter l’atmosphère. Ensuite j’apporte un esprit Haute Couture aux réalisations et surtout une attention particulière aux détails qui feront toute la différence. Par exemple, vous pourrez retrouver « l’esprit Moinard » comme vous le dites dans des poignées de porte.
Appartement londonien, Copyright Jacques Pépion
Comment travaillez-vous ?
J’aime travailler la matière et le volume, il faut trouver l’équilibre entre les idées, les impulsions et les croquis. L’essentiel étant de conserver la fraîcheur et le côté tactile sans oublier le confort, primordial.
Tout étant dans le détail, il faut avoir l’œil ! Je travaille aussi beaucoup la symétrie et l’asymétrie. Toutes les expériences que j’ai eu en exerçant sur différents chantiers m’ont aidé à mieux discerner et comprendre les demandes (Château Latour, Hôtel Eden à Rome, Plaza Athénée à Paris…) C’est un véritable travail d’équilibriste. Il faut savoir restituer un peu de l’histoire du client en la modernisant et en lui insufflant de l’âme. Il faut se retrouver dans les volumes ; l’essentiel reste la progression chromatique.
La cour du Plaza , Copyright Jacques Pépion
Qu’est ce qui nourrit votre imaginaire ?
Je dirais tout ce qui se trouve dans mon champ de vision (sourires).
Quel est à votre avis le projet le plus fou sur lequel vous avez travaillé ?
Tous les projets ont leur grain de folie !
Peut-être celui de Château-Latour ; par l’histoire du lieu, l’aspect monacal qui y règne, la force de simplicité, de silence et de recueillement. C’est un peu un projet d’éternité ancré dans l’histoire pour moi.
Château Latour, Copyright Philippe Gontier
Quelle est votre vision du luxe dans l’avenir ?
Travaillant uniquement avec des artisans français, car j’apprécie leur qualité de réalisation, leur savoir-faire, je suis inquiet par contre, car le nombre de ces artisans s’amenuise au fil du temps. Et pour moi travaillant dans le domaine du luxe, je ne peux pas envisager d’exercer en dehors de l’artisanat français qui représente la définition intrinsèque du luxe.
J’aime par exemple travailler au Japon, car ils ont une qualité de réalisation extrêmement pointue et montrent respect et courtoisie vis-à-vis du travail.
Mobilier Bruno Moinard Editions, Copyright Jacques Pépion
Arrivez-vous à déléguer ?
Oui j’ai une collaboratrice qui prendra mon relais dans 40 ans (sourire …)
Le projet qui vous tient à cœur ?
Je trouve que le luxe aujourd’hui est méconnu. Il n’y a plus d’histoire. C’est un peu comme une jolie coquille, scintillante attirante, mais l’intérieur est vide.
Avant le luxe se déclinait autour de l’histoire de la marque, de la culture du lieu. Aujourd’hui Il faut faire attention à la méconnaissance des marques et à l’image du luxe que nous véhiculons.
Nous autres architectes nous avons une responsabilité et devons rester les gardiens d’un luxe qui s’appuie sur des fondations et sur une histoire.
Galeries Lafayette, Copyright Patricia Canino
Quels sont les projets sur lesquels vous travaillez ?
Le siège de Balenciaga,Château Latour, les Galeries Lafayette à Doha et à Dubaï, l’hôtel Eden à Rome, Alain Ducasse à Pékin, Cartier à Tokyo, 3 maisons en Chine, une en Russie. Comme vous le constatez, je n’ai pas le temps de m’ennuyer.
Veuve Clicquot, Copyright Patricia Canino
Ce qui me plaît en lui, c’est qu'il garde les pieds sur terre et qu'il conserve intacte sa capacité d’émerveillement ! A ses yeux, son métier est un travail de doute, en atteste sa réflexion : « J’ai été reçu récemment comme un prince à Londres et à Doha et cela m’émeut. » Pour lui les relations humaines et l’écoute sont des qualités primordiales pour comprendre et décrypter le client qu’il a en face de lui.
Boutique Cartier Milan, Copyright Oddo Neri
Des débuts prometteurs
Tout va commencer par sa venue sur Paris où on lui demande de faire des dessins pour un projet. Il passe presque une nuit d’insomnie pour des croquis qui ne lui plaisent pas. Mais ils vont plaire à la grande prêtresse de l’époque, Andrée Putman et c’est le début d’une aventure qui durera 15 ans. De 80 à 95, il sera l’homme de l’ombre auprès d’un monument puis prendra son envol en 95 en créant son agence 4BI (le nombre de ses enfants, son initiale et celle de son épouse.)
Bar du Relais Plaza, Copyright Jacques Pépion
Qui se cache derrière Bruno Moinard ?
Depuis l’âge de 9 ans, j’ai été fasciné par le dessin, je savais intuitivement qu’il ferait partie de ma vie future. Mon père et grand-père eux, étaient tapissiers à Dieppe. En 3ème, j’ai passé le Concours des Arts Appliqués et Métiers d’Art. Sorti Major de ma promotion, dans le jury un architecte de Roanne me fait participer au projet de la cuisine des Trois Gros ! Un bon début pour moi (sourires !) Un an après, je pars à Paris et c’est Andrée Putman qui flashe sur mes dessins et me voilà auprès d’un « Monument ! »
Mobilier Bruno Moinard Editions, Copyright Jacques Pépion
Que vous a apporté la période Andrée Putman ?
D’avoir passé 15 ans auprès d’une célébrité, à écouter, à apprendre, à avaler des couleuvres et à encaisser des coups, vous forge et vous apprend le métier.
Une alchimie s’est créée entre nous mais elle gardait la mainmise sur tous les projets. Nous travaillions essentiellement sur le blanc, le noir et le gris. Ce fut l’époque où nous avons présenté le projet de décoration intérieure du Concorde à Bernard Attali.
William Shelly (fondateur de Et Vous) a fait aussi appel à Ecart (la société d’Andrée Putmann) pour créer des boutiques. Grâce à eux, je suis parti travailler entre autres en Corée.
Y a-t-il un esprit Moinard ?
Le luxe sans emphase !
J’essaie en premier lieu de comprendre le lieu, son côté spécifique et de décrypter l’atmosphère. Ensuite j’apporte un esprit Haute Couture aux réalisations et surtout une attention particulière aux détails qui feront toute la différence. Par exemple, vous pourrez retrouver « l’esprit Moinard » comme vous le dites dans des poignées de porte.
Appartement londonien, Copyright Jacques Pépion
Comment travaillez-vous ?
J’aime travailler la matière et le volume, il faut trouver l’équilibre entre les idées, les impulsions et les croquis. L’essentiel étant de conserver la fraîcheur et le côté tactile sans oublier le confort, primordial.
Tout étant dans le détail, il faut avoir l’œil ! Je travaille aussi beaucoup la symétrie et l’asymétrie. Toutes les expériences que j’ai eu en exerçant sur différents chantiers m’ont aidé à mieux discerner et comprendre les demandes (Château Latour, Hôtel Eden à Rome, Plaza Athénée à Paris…) C’est un véritable travail d’équilibriste. Il faut savoir restituer un peu de l’histoire du client en la modernisant et en lui insufflant de l’âme. Il faut se retrouver dans les volumes ; l’essentiel reste la progression chromatique.
La cour du Plaza , Copyright Jacques Pépion
Qu’est ce qui nourrit votre imaginaire ?
Je dirais tout ce qui se trouve dans mon champ de vision (sourires).
Quel est à votre avis le projet le plus fou sur lequel vous avez travaillé ?
Tous les projets ont leur grain de folie !
Peut-être celui de Château-Latour ; par l’histoire du lieu, l’aspect monacal qui y règne, la force de simplicité, de silence et de recueillement. C’est un peu un projet d’éternité ancré dans l’histoire pour moi.
Château Latour, Copyright Philippe Gontier
Quelle est votre vision du luxe dans l’avenir ?
Travaillant uniquement avec des artisans français, car j’apprécie leur qualité de réalisation, leur savoir-faire, je suis inquiet par contre, car le nombre de ces artisans s’amenuise au fil du temps. Et pour moi travaillant dans le domaine du luxe, je ne peux pas envisager d’exercer en dehors de l’artisanat français qui représente la définition intrinsèque du luxe.
J’aime par exemple travailler au Japon, car ils ont une qualité de réalisation extrêmement pointue et montrent respect et courtoisie vis-à-vis du travail.
Mobilier Bruno Moinard Editions, Copyright Jacques Pépion
Arrivez-vous à déléguer ?
Oui j’ai une collaboratrice qui prendra mon relais dans 40 ans (sourire …)
Le projet qui vous tient à cœur ?
Je trouve que le luxe aujourd’hui est méconnu. Il n’y a plus d’histoire. C’est un peu comme une jolie coquille, scintillante attirante, mais l’intérieur est vide.
Avant le luxe se déclinait autour de l’histoire de la marque, de la culture du lieu. Aujourd’hui Il faut faire attention à la méconnaissance des marques et à l’image du luxe que nous véhiculons.
Nous autres architectes nous avons une responsabilité et devons rester les gardiens d’un luxe qui s’appuie sur des fondations et sur une histoire.
Galeries Lafayette, Copyright Patricia Canino
Quels sont les projets sur lesquels vous travaillez ?
Le siège de Balenciaga,Château Latour, les Galeries Lafayette à Doha et à Dubaï, l’hôtel Eden à Rome, Alain Ducasse à Pékin, Cartier à Tokyo, 3 maisons en Chine, une en Russie. Comme vous le constatez, je n’ai pas le temps de m’ennuyer.
Veuve Clicquot, Copyright Patricia Canino
Avril 2015
Par Katya PELLEGRINO