Gastronomie


Christian Le Squer du Cinq, le magicien des saveurs !

« Je ne suis pas un homme pressé », avoue sans ambages Christian Le Squer breton d’origine, chef 3 étoiles du Cinq au Four Seasons George V depuis octobre 2014. Homme de partage, de valeur, de terroir et communicant né, il aime traduire ses émotions par des plats en mouvement, une cuisine de tradition revisitée, moderne, savoureuse, avec une rigueur d’horloger. Il se définit comme un bon vin, qui après 15 ans de garde est aujourd’hui bon à boire et à déguster !
Interview à bâtons rompus avec Katya Pellegrino.

Qui se cache derrière Christian Le Squer ?

« Breton je suis, breton je reste » ! Né en Bretagne, enfant de la ria d’Etel (entre Quiberon et Carnac), je vivais au plus près de la nature, élevé avec de bons produits locaux de la ferme. Mon père ébéniste était un véritable artisan qui avait le sens de la main et du beau. J’étais souvent dans son atelier, avec cette odeur de bois, que j’ai toujours en tête et j’étais fasciné par le travail qu’il exécutait de ses mains. Enfant sans histoire, j’étais par contre gourmand, prenant toujours les plus gros gâteaux et partant à chaque fois pour aller chercher du lait (sourires). Pour ne pas me sortir du système scolaire, mes parents ont ensuite choisi de m’inscrire à Vannes, à l’école hôtelière durant 3 ans.

Des débuts de commis ….à Paris



A la sortie de l’école hôtelière, difficile de trouver du travail, mais finalement j’en trouve chez un couple d’homosexuels, à la Trinité S/Mer qui seront quelque part mes mentors. Ils me prennent sous leurs ailes et m’incitent à « monter à la capitale » pour apprendre mon métier. Je suis d’ailleurs toujours en relation avec eux.
En arrivant à Paris, commence toute une série d’expériences. Je m’inscris à la Mutuelle des Cuisiniers (sorte d’agence de placement pour les cuisiniers). Je vais passer du PLM St Jacques, à un Cercle Privé sur les Champs-Elysées, à la Fermette Marboeuf, en passant par le Service Militaire à St Augustin, où je vais côtoyer des cuisiniers plus expérimentés qui vont me faire rêver ! Ce rêve ne va plus me quitter, et cherchant un restaurant gastronomique, je pars à Lille au Flambard.
Cupidon passant par là, je reviens sur Paris deux ans plus tard. Apprenant que Divellec s’installe à Paris, je postule et je suis embauché comme demi-chef de parti.
Ensuite cela sera l’Astragale avec Alain Senderens, Lucas Carton, Taillevent (2 ans) et sous-chef au Ritz durant 6 ans.
Je rate mon « MOF » (meilleur ouvrier de France) et vexé, je me dis qu’il est temps de me prouver ce que je vaux et voir si je peux devenir Chef. Je pars comme Chef au Café de la Paix à Opéra, où je vais obtenir 2 étoiles en deux ans (la première en 96 et la seconde en 98).

La période Ledoyen



Jean-Marie Messier va venir me chercher pour Ledoyen en 2000 et en six ans je vais obtenir les 3 étoiles. J’y resterais jusqu’en 2014 !

15 ans au Pavillon Ledoyen, c’est long ! Pourquoi ce départ ?

J’avais fait le tour et je voulais me créer un autre challenge, car je suis un homme de défi !

Y a-t-il eu un déclic pour la cuisine ?

Enfant, je partais trois semaines l’été dans les Pyrénées et j’avais un oncle marin-pêcheur qui m’invitait à passer des vacances avec lui, m’emmenant sur son bateau de pêche. C’est à l’occasion d’une sortie en mer, où je passais du temps avec un ancien marin faisant office de « cuistot » que j’ai goûté à ces moments de convivialité et de partage qu’étaient les déjeuners entre tous les membres de l’équipage. J’aimais ce lien de nourriture qui abolissait les fonctions de chacun , instituant une ambiance chaleureuse entre tous, sans barrière ! Sans être un déclic, par la suite je regardais ma mère en cuisine.

Comment vous définiriez-vous ?



Je suis un homme de palais, rigoureux dans ma cuisine et dans mon exécution. Ici tout est millimétré, rien n’est laissé au hasard. J’aime ce que je fais et j’aime faire partager mes émotions !

Et votre palais ?

Je me suis construit un palais redoutable. Donc je n’aime pas le sous-vide. J’aime la cuisine de feu, j’aime donner de l’élégance et concentrer mes saveurs.

Quelle est la définition de votre cuisine ?

Bar Caviar

A mes yeux c’est l’Art de Vivre à la française, à la manière parisienne, mais dans un esprit contemporain. Le bien-être est fondamental pour la cuisine et les plats, j’apporte donc de l’émotion à mes créations, des saveurs et de la proximité. Aujourd’hui les clients veulent de la valeur humaine dans ce qu’ils dégustent. Ma cuisine est donc longue en bouche. Je me compare d’ailleurs souvent à un parfumeur , car ma cuisine est comme un parfum et un vin. Je suis comme ce vin mis en garde durant 15 ans qui maintenant peut être bu (sourires) ! Durant 15 ans, je suis resté discret, j’ai été nourri durant toutes ces années où j’ai beaucoup appris et aujourd’hui je suis à température !

Vous avez reçu votre 2ème étoile pour le Cinq en 2015, puis la 3ème en 2016, reçu les 5 toques pour le Cinq, avec la note de 19/20 par le Guide Gault et Millau, consacré en 2016 "Chef de l’année" par le magazine Chef… Que manque t’-il à votre palette de récompenses ?



Je ne travaille pas pour les honneurs ni pour les distinctions. Je ne suis pas un ambitieux. J’aime les défis, la compétition. Pour le Cinq, j’avais une mission d’obtenir les 3 étoiles. Chose faite. Mais j’aime les challenges (sourires)

Quel est le petit plus de Christian Le Squer ?

La petite touche de saveur en plus qui fera la différence ! Comme le tombé est fondamental pour une couturière, même si le tissu est beau, pour le cuisinier, la touche finale c’est la petite note en plus qui sublimera le plat. C’est ce petit plus qui mettra en valeur la matière première. Celle-ci sera accompagnée par ses saveurs, avec élégance ! Par exemple un petit givré d’oursins, avec des St Jacques marinées vivantes, en plus du jus d’oursin et de quelques pointes de truffe (qui apportent le côté terreux) et du lychee (qui apporte le côté fruité et acidulé). Ici on retrouve un concentré iodé (St Jacques et oursins).

Oursin

Que pensez-vous de la cuisine moléculaire ?

Elle a apporté un style à un moment où la cuisine se cherchait ; de la modernité aussi car notre cuisine était figée. En ce qui me concerne, elle ne correspond pas à mon palais. Donc je ne l’utilise pas. Mais elle nous a ouvert l’esprit avec une manière différente de cuisiner.

Qu’est-ce qui vous inspire ?

Tout m’inspire ! J’ai l’œil redoutable. J’aime beaucoup l’architecture, et la mode m’inspire pour les couleurs aussi !

Et pour vous le cuisinier Chef de demain sera ?

J’essaie de ne pas être le cuisinier d’hier. Donc c’est forcément un homme moderne qui devra être médiatique avec une ouverture à l’international, et connaître tout ce qui se passe dans le domaine de la gastronomie. Je le compare à un créateur de demain. Il devra être en mouvement !

Saint Jacques

Et votre ingrédient préféré ?

J’aime tout ! J’aime le moment présent, c’est donc la matière première du jour. Tout m’intéresse.

Vous avez travaillé au Ritz, Taillevent, Divellec, Pavillon Ledoyen, qu’avez-vous trouvé de différent au Cinq ?

Un nouveau challenge d’obtenir les 3 étoiles ! J’ai pu y créer une boulangerie, créer une proximité avec tout mon personnel et pouvoir avoir 2/ 3 personnes qui tous les matins, font des recherches et du développement pour moi sur de nouvelles compositions (je leur donne des pistes tous les jours). Cela permet de se renouveler et d’aller plus loin.
Et surtout une nouvelle façon de communiquer, notamment sur les Réseaux Sociaux.
Janvier 2017
Par Katya PELLEGRINO
RESTAURANT LE CINQ
31 AVENUE GEORGE V
75008 PARIS, FRANCE
TÉL : +33 (1) 49 52 71 54
FAX : +33 (1) 49 52 71 81
EMAIL: LECINQ.PAR@FOURSEASONS.COM