"Julley" (bienvenue) au Ladakh
Découvrir le Ladakh, région de l’état du Jammu-et-Cachemire et véritable contrée himalayenne en se plongeant dans une Inde méconnue où le bouddhisme prédomine, fascine. De surcroît rencontrer une population composée de tibétains et de bouddhistes d’une gentillesse désarmante est une chance que Luxe Magazine a pu vivre.
Chaînes de montagnes arides et déchiquetées, oasis de verdure dans la vallée de L’Indus, gompa (monastères) perchés sur des affleurements rocheux, stupas (mini pagodes contenant reliques du Buddha et mantras), cérémonies de prière, rites religieux au petit matin… Toute une ferveur bouddhique que nous avons pu découvrir au fil de cette escapade pas comme les autres.
Focus avec Katya Pellegrino
Chaînes de montagnes arides et déchiquetées, oasis de verdure dans la vallée de L’Indus, gompa (monastères) perchés sur des affleurements rocheux, stupas (mini pagodes contenant reliques du Buddha et mantras), cérémonies de prière, rites religieux au petit matin… Toute une ferveur bouddhique que nous avons pu découvrir au fil de cette escapade pas comme les autres.
Focus avec Katya Pellegrino
Leh et le Dalaï- Lama
© Christophe Migeon
En atterrissant à Leh, capitale du Ladakh, à plus de 3200 m d’altitude, une multitude de moines, de femmes en costumes multicolores (aux capes bordées de fourrure et de coiffes surmontées de turquoise appelées" Perak" ou de chapeau aux bords relevés," Kantop" attendent le Dalaï- Lama. Nous apprenons alors avec incrédulité que le Dalai- Lama atterrit derrière nous. Il est vrai que Daramsala n’est qu’à 700 km et qu’il vient régulièrement à Leh où il a une résidence.
Plaisir d’une première vision bouddhique avec son apparition rapide derrière le pare-brise de sa voiture et de sa bénédiction.
Notre voyage s’annonce donc sous les meilleurs auspices !
Chamba Camp à Thiksey
Leh, capitale du Ladakh, fut ouverte au tourisme en 1974. Le Ladakh comme le Cachemire et Jammu sont les trois régions de l’état de Jammu-Cachemire.
Leh, avec ses 20 000 âmes, est déjà bien imprégnée du tourisme avec ses panneaux publicitaires et ses boutiques en tout genre.
Heureusement, longé par l’Indus notre camp, le Chamba Camp ,à Thiksey est à une demi-heure, .
Un petit paradis, en pleine nature, environné des chaînes de montagne de Zankar.
14 tentes luxueuses, dont la réception, le restaurant ou les toilettes, sont disséminées dans ce jardin d’Eden, avec un confort digne d’un 5 étoiles. Des ouvertures avec fermetures éclairs permettent de se protéger des intrus nocturnes.
Chaque tente arbore un style un peu colonial, avec ses armoires de couleur acajou, son coffre, son lit drapé de sa moustiquaire et ses petites tables de chevet.
Quant à la salle de bain, son lavabo en cuivre se dresse délicatement sur une table en bois travaillé.
Après un dîner placé sous le signe de la nourriture indienne, dans une tente cossue où des photophores diffusent une lumière douce sur les tables nappées, nous rejoignons avec bonheur notre tente. Cosy et confortable elle nous permet de plonger avec délice dans le sommeil, car demain place à la découverte de tous les trésors que recèle la région.
Le monastère de Thiksey appelé aussi « Little Potala »
Monastère de Tiksey
Le réveil à 05 h pourrait sembler difficile, mais en ouvrant le pan de la tente, le bleu du ciel et les arêtes rocheuses et neigeuses de la chaîne Zankar offrent déjà un panorama féérique. Nous allons assister à la prière du matin des moines du plus ancien et plus typique monastère, celui de Thiksey, consacré par le Dalai-Lama, grâce à sa statue du futur Bouddha de 12 mètres de haut.
Situé à 10 mn de Chamba Camp, le monastère de Thiksey, de style tibétain, s’érige sur un petit piton rocheux où s’accrochent une multitude de petites maisons blanches, habitations des 70 moines vivant au monastère. A l’entrée de chaque monastère, il y a le moulin des prières, sorte de roue qui tourne sur elle-même contenant des mantras, que nous faisons tourner dans le sens des aiguilles d’une montre.
Moulin des prières
Invitation à l’énergie et au Niansan
A 06 h, deux moines sur le toit soufflent avec leurs immenses trompes en cuivre pour l’appel de la prière et la cérémonie du matin. A trois reprises, ils émettent un son sourd et grave grâce à leur instrument, la dernière étant une invitation à l’énergie et au Niansan.
La vue du toit est tout simplement exceptionnelle : les montagnes Stakna, Matho et Spito déploient leurs silhouettes aux sommets neigeux ou arides, la vallée étend son manteau vert de peupliers et de luzerne parsemée de maisons ladakhies et la rivière Indus serpente paisiblement entre nature et villages.
les montagnes Stakna, Matho et Spito
Une cérémonie de prière depuis 600 ans.
Au monastère de Thiksey (1344), dirigé par le chef des lamas, appelé Rinpoche, et une réincarnation de Buddha, Nawang Chamba Stanzin, se déroule depuis 600 ans, la même cérémonie de prière le matin. Elle réunit tous les moines, petits et grands, dans une même ferveur bouddhique au sein de leur Du-Khang (salle de prière), richement décorée de peintures et de thangka (tentures peintes).
Durant la cérémonie, des moines s’agenouillent, d’autres psalmodient les sutras (règles exprimés en vers), le tout ponctué par des chants, des gongs et des sons sortant de leur trompette. Durant cette cérémonie où l’étranger peut y assister, les moines reçoivent leur petit-déjeuner. Une sorte de soupe au blé grillé et nous avons la chance de goûter au fameux thé de yack salé, le « chang ». En l’avalant, le goût se rapproche plus du bouillon que du thé !
Après cette cérémonie, direction le camp pour un petit-déjeuner salvateur. Nous sommes encore imprégné de ces chants psalmodiés et de cette ferveur religieuse qui y règne mais en toute simplicité. Ici le sacré ne pèse pas.
Le monastère de Matho, et sa restauratrice Nelly Rieuf
Après un peu de repos, (nous sommes à 3500 m d’altitude) et l’oxygène se faisant plus rare, notre rythme s’en ressent également, nous avons rendez-vous avec Nelly Rieuf, au monastère de Matho. La seule restauratrice dans la région de l’Himalaya de l’art himalayen. Depuis 8 ans, elle s’est installée dans ce monastère avec la bénédiction du gouvernement afin de restaurer les 57 tankas confiés à ses soins. Elle a créé une école qui forme sur plusieurs années des villageoises. Cet art de la restauration demande minutie, précision et surtout du temps !
Ensuite retour au camp au soleil couchant. Le soir sur notre terrasse la brume enveloppe les chaînes de montagne environnantes (Stakna, Matho et Spito). Un régal pour les yeux et un sérénité pour l’âme.
La bénédiction du Dalaï-Lama, moment d’émotion !
© @Christophe Migeon
© @Christophe Migeon
Ce matin grande excitation, car nous allons assister à la cérémonie que donne le Dalaï-Lama, à Shingbar au Choglamsar , qui correspond à son anniversaire (83 ans).
Ces dernières années le Dalaï Lama est venu régulièrement au Ladakh où il a une résidence. Sa venue est synonyme de fête et d’évènement pour la population ladakhie.
Cette année elle rassemble près de 4000 personnes mais peut en regrouper jusqu’à 140 000 comme 2014.
Tentes de toutes sortes, couleurs chatoyantes, costumes traditionnels danses, chants, familles, couples, vieillards, se retrouvent sur cette immense place pour écouter les différentes personnalités prenant la parole avant la bénédiction du Dalaï- Lama. Cette cérémonie est le prétexte à une fête et sous certaines tentes des familles entières se préparent à manger. Une distribution de riz aux noix et au raisin ainsi que du thé est également distribué en permanence à la population.
Ici, Sérénité, dignité et comme un sourire intérieur nourrit leurs visages.
Grand moment de ferveur et de liesse lorsque le Dalaï Lama prend la parole. Vrai moment d’émotion.
Monastère Hemis, paysage presque lunaire
Nous nous enfoncerons ensuite dans la vallée pour visiter le monastère Hemis, le plus grand de la vallée enserré par des montagnes rocheuses et niché dans une gorge déchiquetée de roches rouges Ici le paysage est presque lunaire, avec au loin les contreforts de l’Himalaya.
Le monastère d’origine date de 1643 et comprenait à l’époque près de 550 moines. Actuellement il en reste 150.
Col de Khardung (5375m)
Aujourd’hui nous délaissons Leh pour grimper au col de Khardung (5375 m) et aller à Diskit, dans la Vallée de la Nubra.
La voiture grimpe allègrement sur la route sinueuse et abrupte. Elle serpente entre les rares villages, fait des méandres, s’enroule autour du chemin en épingles à cheveux et il faut avoir le cœur bien accroché. Autour de nous des montagnes dénudées, composées de pierres et de sable, un paysage de rocailles parfois ponctués de vie humaine avec quelques
tentes de nomades. Nous pique-niquerons en compagnie de yacks, qui broutent en compagnie de leur pâtre à North Pulu. Quelques barrages nous obligent également à montrer nos autorisations pour aller d’un point à un autre. N’oublions pas que l’armée est très présente ici, le Ladakh ayant ses frontières très proches avec le Pakistan (200 km) et la Chine.
A Khardung, le point de vue est fabuleux avec des aiguilles rocheuses et de gigantesques promontoires dentelés derrière lesquels nous apercevons des pics enneigés.
Diskit, une oasis dans la Vallée de Nubra
L’arrivée dans la Vallée de la Nubra et du village de Diskit est assez impressionnante. D’immenses étendues de sable, ancien lit de la rivière, avec au centre une oasis, cernées de la chaîne de Saser de la Karakolam et de la montagne Saltoro, captent le regard. Au loin, un chameau, ancêtre des troupeaux datant de la guerre avec la chine et le Pakistan, se balance majestueusement. Mirage ? Non réalité !
Les vallées encaissées de la Shayok et de la Nubra offrent un panorama éblouissant, avec quelques minuscules villages nichés dans des îlots de verdure. Tout autour des champs de rochers et des montagnes arides.
La rivière Shayok qui vient de Khardung, coule dans cette vallée, rejointe en son milieu par la rivière Nubra qui prend sa source à Secheng.
Chamba Camp à Diskit, une oasis
Chamba Camp Diskit est niché dans une véritable oasis où sont disséminées 8 tentes. Le frère jumeau de celui de Thiksey, dans un esprit « Glamping camp » ! Chaque tente est séparée de l’autre par un petit muret et de la végétation. Ici les tentes allient teck et toile de bâche pour vivre au bout du monde, mais dans un confort sophistiqué. De la terrasse de notre tente, la vue sur ces montagnes arides et ce désert de pierre est presque irréel. Sur un piton rocheux, s’accroche le monastère de Diskit.
Fondé en 1433, ce petit monastère est resté dans son jus et exhale encore à travers ses pierres et ses salles de prière, une ambiance religieuse, notamment dans la dukhang salle, restée intacte. Ici comme à Thiksey, il y a le rituel de deux prières, une à 4 h du matin et l’autre à 19 h le soir depuis 600 ans.
Monastère de Diskit
Lac Yarab et Camp Lharimo à Sumur, ferme en plein désert
Lac YarabNous continuons notre périple par un chemin sinueux, pour rejoindre le Lac Yarab, considéré par les locaux comme un lac sacré. De part et d’autre nous sommes encerclés par ces déserts de pierres et de montagnes. De vastes étendues de sable blanc comparables au désert succèdent à l’oasis.
Camp Lharimo à Sumur
Sur le chemin du retour à 2 h de route du camp, nous faisons une halte chez un fermier, Camp Lharimo à Sumur. Il accueille des touristes en pension, et leur permet, s’ils le souhaitent, de participer aux activités de la ferme. Ici tout est cultivé dans les règles, d’une manière organique, sans pesticide et arrosé uniquement par l’eau des glaciers. Une récolte par an, permet de préserver le sol et de tout faire pousser.
La fin de journée se ponctue par une balade à chameau sur des dunes de sable, panorama étonnant où le vent a dessiné des arabesques délicates et légères sur cette poudre argentée.
© Katya Pellegrino
Le col Warila, un sommet de toute beauté, sauvage et enchanteur !
Aujourd’hui, une balade excitante nous attend, avec le passage du col de Warila à 5300 mètres.
Un ruban d’asphalte (construit en 1999) se transforme rapidement en sentier rocailleux en forme de lacet et grimpe à travers des champs de pierre.
Enn arrière-plan, la chaîne Shayok. Le paysage est minéral : un océan de pierres où la plupart des glaciers ne sont plus que débris rocheux livrés à la brûlure du soleil.
chaîne Shayok.
Quelques petits villages s’agrippent aux flancs escarpés et nous ne rencontrons sur ce chemin de rocailles que des chevaux et des troupeaux de yacks s’égayant dans ces pâturages de haute montagne. Pas âme qui vive, sauf les cris stridents des marmottes que nous dérangeons et un aigle royal qui nous survole en nous narguant. Le ciel est d’une pureté diaphane et le soleil aveuglant.
Ici l’impression de solitude et d’humilité nous fait ressentir l’immensité de la nature et de ces chaînes de montagnes. Le silence est assourdissant.
Rencontre avec un yack
Le soir nous rentrerons, la tête pleine de rêve et d’immensité, avant de nous attabler autour d’un feu de camp, pour déguster des grillades et des légumes du cru sous le regard de la lune et des étoiles.
Demain nous repartons à Leh pour rencontrer le roi du Ladhak avant de reprendre l’avion.
Le Roi du Ladakh
© @Christophe Migeon
Son excellence Chosgyal Jigmed Wangchuk Namgyal nous reçoit simplement en polo et jean dans son palais à Stok, situé au sommet d’une colline caillouteuse. Ici la vue est époustouflante, dominant la Vallée de l’Indus.
Vue du palais
La pièce où nous l’attendons est une petite salle d’apparat, où le roi reçoit. Plafond bas, colonnes peintes, bancs et tables basses recouvertes de nappes brodées appelées « Choktse », minuscules fenêtres, et tapis jetés au sol, que nous foulerons sans chaussures.
petit salon de réception - © @katya pellegrino
Le roi n’a plus de pouvoir depuis que le Ladakh a été rattaché à l’Inde avec la partition de 1947.
Son rôle consiste principalement à aider la communauté et à concrétiser leurs projets. Il essaie de contrôler le déferlement du modernisme et des nouvelles technologies qui menacent de faire disparaitre les richesses architecturales, les traditions séculaires de son pays et de ses aïeux.
« Ici le challenge le plus important reste de garder l’équilibre entre le tourisme et notre culture. Il n’y a pas de loi au Ladakh pour protéger notre histoire et notre culture, ni d’idées pour la restauration, la préservation ou la conservation de nos traditions. Nous devons trouver nos propres solutions.
Pour ma part, j’essaye de montrer l’exemple. Je restaure petit à petit mon palais de 77 pièces afin de le préserver et de transmettre en héritage nos traditions aux jeunes d’aujourd’hui.
Actuellement j’ai transformé 6 pièces en chambres d’hôtes, conservant la décoration traditionnelle, afin de me permettre de continuer à restaurer ce palais. C’est un challenge de tous les jours !
Une des 6 chambres rénovées
En repartant nous jetons un dernier coup d'œil à ce lieu mystique.Le ciel se teinte de mauve et d’orange rougeoyant et dans la pénombre du couchant ces titans de pierre offrent leurs silhouettes chaotiques et dentelées. Au coucher du soleil tout se fait rituel. Le paysage inspire alors recueillement, méditation silence.
Mars 2019
Par Katya PELLEGRINO