Evasion


La Mirande : Avignon en ses murs

En plein coeur de la cité des papes, La Mirande est l'un de ces hôtels où l'Histoire se vit au présent, grâce à une décoration d'un raffinement extrême, et pourtant source de surprises.
A l'ombre du Palais des Papes, l'entrée de cet hôtel particulier est à la fois une invitation au présent et une porte sur l'histoire. D'abord palais d'un cardinal du temps des papes (livrée de Saint-Martial) puis résidence de familles de drapiers (Maison de Vervins), ensuite demeure du maire d'Avignon (Hôtel Pamard), l'endroit va changer de nom, les styles se superposer, mais l'attrait pour cette demeure d'exception restera. "Ces murs sont heureux glissent Hannelore et Achim Stein, heureux propriétaires de cette splendeur. Celles et ceux qui aujourd'hui choisissent La Mirande, pour une nuit ou une semaine, traversent les époques et les styles. En longeant les arêtes de ces lourds murs, il est possible de remonter le temps et comprendre l'évolution de ce havre qu'est aujourd'hui La Mirande... C'est en 1309 que les papes s'installent en Avignon, dont le premier pontife est Clément V. C'est son neveu, le cardinal de Pellegrue, qui fait édifier cette livrée. Déjà, le lieu, qui accueille des réceptions somptueuses en l'honneur du pape, est synonyme de convivialité. Mais, en 1410, le siège du palais apostolique brûle. Les marchands drapiers dressent alors, sur les ruines, une nouvelle demeure. En 1653, La Mirande est vendue à Claude de Vervins, avocat. Sa descendance l'occupera jusqu'en 1796. A cette date, la famille Pamard en prend possession. Les pièces, le décor néogothique et les tentures du XIXème siècle vont peu à peu être délaissés pour une nouvelle naissance.



Vue sur le Palais des Papes

En 1987, la famille Stein rachète l'endroit avec l'idée de le modeler en un établissement de 20 chambres misant exclusivement sur l'authentique. "C'était un labyrinthe avec beaucoup de niveaux multiples, des galeries, des recoins. Les façades de la cour intérieure possédaient quatre styles différents, se souvient Martin Stein, fils des propriétaires et actuel directeur de La Mirande. Après avoir vu cette magnifique façade, découvrir l'intérieur du bâtiment a été une surprise. Pour unifier l'ensemble, on s'est alors demandé comment l'architecte aurait redessiné l'intérieur si on le lui avait demandé". Les Stein entreprennent un gigantesque travail de rénovation. Martin parcourt les hôtels particuliers avoisinants, mesure et repère le moindre détail architectural et décoratif, prend le relevé des portes d'époque pour le répercuter dans son établissement. Il chine et réutilise des sols ou des carrelages. L'investissement pour les travaux dépasse largement le prix de l'acquisition car les matériaux et les méthodes de construction choisis collent au plus près au XVIIIème siècle. Martin Stein mène le chantier, soutenu par le décorateur parisien François-Joseph Graf et l'architecte avignonnais Gilles Grégoire. Le résultat est exceptionnel. Les trois quarts du rez-de-chaussée et la totalité des premier et deuxième étages sont remis à neuf. Les parquets, démontés et numérotés, sont remontés à l'ancienne, afin d'assurer l'élasticité nécessaire et de perpétuer le bruit des pas, caractéristique des parquets XVIIIème. "Certains hôtels privilégient des architectes de renom et des effets de mode, mais souvent, les matériaux et le style fatiguent, glisse Martin Stein. Alors qu'à La Mirande, nous n'avons accepté aucun compromis".


L'exemple du cabinet chinois est probant. La pièce a été complètement redessinée en fonction d'un papier peint rare, fabriqué en Chine au XVIIIème siècle. La toile de Jouy et le tissu des fauteuils ont été choisis en conséquence. Aux murs, des gravures d'époque ou des oeuvres de maître. Dans le petit salon, le visiteur prend son petit-déjeuner accompagné des toiles de Théophile Mayan, peintre provençal de renom (ses pastels de l'étang de Berre ou de la vallée de la Durance, en particulier, sont à déguster sans modération). Les chambres notent le goût le plus sûr. Une recherche pointue du style local et une personnalisation de la décoration fait de chaque pièce une découverte. L'envie prend de s'y installer pour longtemps. Presque d'y planter sa vie. Notamment la chambre 20, arborant ce tissu tendu qui fait la marque du lieu. Un petit couloir mène au grand lit, le mobilier a été chiné chez des antiquaires de France, de Suisse, d'Angleterre. La suite s'ouvre sur un salon où il fait bon flâner. La salle de bains est également digne des quatre étoiles : un papier peint en trompe-l'oeil surplombe les deux lavabos. Surtout, la luminosité baigne le lieu. Chaque salle d'eau a droit à une vue digne de ce nom, fait rare dans l'hôtellerie. Plus loin, la chambre 24 propose un tissu à chinoiseries du XVIIème siècle qui reprend le petit homme sur balançoire, symbole de l'hôtel. Dans cette chambre, comme dans les autres, la vue est imprenable, immuable, sur le palais des Papes.



Îlot de calme

Au sous-sol, dans les entrailles médiévales, entre les encadrements de pierre et les fourneaux au bois, la vieille cuisine apparaît. La, les mardis et mercredis, lorsque le restaurant étoilé Michelin de Sébastien Aminot est fermé, un chef partage ses secrets avec les convives. Clients de l'hôtel ou visiteurs extérieurs se mêlent autour de cette table d'hôte. "Les discussions sont aisées. Notre clientèle a souvent fait les mêmes voyages, elle possède les mêmes passions", dit Martin Stein. "C'est un retour aux sources autour de la cuisine mijotée, cet échange donne lieu à des rencontres insolites", ajoute Florence Biscarrat, qui organise les événements qui émaillent la vie de l'hôtel, comme les cours de cuisine pour une quinzaine de personnes avec de grands chefs, selon des thèmes tels que la truffe ou le melon. Intemporel est le qualificatif parfait pour La Mirande qui se démarque des modes pour être indémodable. C'est un îlot de calme dans un monde effréné. "On a longtemps flirté avec l'idée de ne pas mettre de téléviseurs dans les chambres. On a finalement trouvé des écrans plats intégrés dans des miroirs tachetés à l'ancienne".


Le classicisme n'est pas l'ennemi du changement. Cet été, débutent des travaux d'agrandissement. Une maison voisine récemment acquise permettra d'ouvrir six chambres supplémentaires. Le style de cette aile sera Empire. Le déplacement de la cuisine actuelle vers cette nouvelle aire permettra de créer une salle de théâtre de près de 80 places. Les activités culturelles au sein de La Mirande sont en effet régulières. La troupe Le Sous-Sol présente ainsi un spectacle de cabaret et de "parole chantée" à l'hôtel pendant le Festival d'Avignon. "La Mirande est le fruit du hasard, mais ce hasard fait bien les choses, conclut Martin Stein. La proximité du Palais des Papes permet à la lumière de se refléter sur l'hôtel. C'est bien mieux que de recevoir la lumière directement, car non seulement les couleurs sont plus belles, mais en plus rideaux et tableaux sont protégés ! Passer du temps ici, c'est comme un voyage au cour des arts décoratifs du XVIIIème. Et, c'est la preuve qu'un homme du XXIème siècle peut se sentir chez lui dans des ambiances beaucoup plus anciennes". Là se trouve le luxe discret, l'élégance intemporelle.



                                                                                                       Cet article est paru dans 
                                                                                                  Demeures & Châteaux n°160 

                                                                                                           
Juin 2006

La Mirande
4, place de la Mirande
84000 Avignon
Tél. : 04 90 14 20 20

www.la-mirande.fr