Evasion


Dolce rivages

Lacs de Côme, de Lugano ou Lac Majeur, les lacs italiens donnent une vie particulière à la nature dans laquelle ils semblent être autant de joyaux enchâssés. Par quelque miracle de la géographie transalpine, l'environnement autour d'eux ressemble à une carte postale, et donne l'impression au visiteur de faire halte dans un lieu unique, à mi-chemin entre décor de cinéma et paradis terrestre. Une expérience merveilleusement dépaysante quoi que si proche, que Dandy vous propose de décliner ici comme le cœur vous en dit.
On ne vient pas sur ces rives pour la frime, mais pour dorloter son vague à l'âme, oublier, se ressourcer, admirer, aimer. Entre les massifs d'azalées et de rhododendrons, c'est une parade amoureuse sans fin. « Si vous écrivez sur deux amants, l'histoire doit être située sur les rives du lac de Côme », affirmait Liszt. On dit « les lacs » pour relier ces diamants liquides abandonnés par les glaciers entre Piémont, Lombardie et Tessin. Chacun possède pourtant sa couleur, presque son climat. Leurs originalités respectives n'interdisent pas de les envisager comme un univers à part, féerique, ignoré des aléas de ce siècle.
Commencez par le Lac de Côme, le plus précieux, et prenez-en congé au lac Majeur, qui donne dit-on la mélancolie la plus douce lorsqu'on le quitte. En fait le seul mode d'emploi qui vaille est la communion. Capitale de la soie depuis le XVIe siècle, Côme est un peu provinciale, et pourtant succursale du chic milanais. La façade de sa cathédrale, du plus beau style lombard, et sa lumineuse piazza Cavour, vous conduiront jusqu'aux embarquements. En moins d'une heure vous serez à Bellagio. Sur un promontoire à la croisée des trois bras du lac, maisons roses, terrasses, ruelles à degrés, arcades et jardins, composent le décor. Imaginez-vous habiter Le grand Hôtel Villa Serbelloni au bord de l'eau et aller chaque jour dans le parc anglais de la villa Melzi saluer le couple à jamais pétrifié de Béatrice et Dante. Sur la rive d'en face resplendit la villa Carlotta de Tremezzo, la plus visitée. Moins pour sa collection de Canova que pour ses jardins en terrasses, ses tonnelles et ses grottes de verdure cernées par des milliers de fleurs.
Par Tremezzo et Menaggio, la route vous emmène au Lac de Lugano, à la frontière suisse. D'abord encaissé, il s'évase entre les remparts de la ville, les monts Bré et San Salvatore. Un fantastique funiculaire grimpe au sommet de la montagne, d'où la vue sur la cité, les Alpes et le paysage, est époustouflante. Plusieurs villages accrochés à flanc de montagne offrent autant de sites très pittoresques auxquels on accède par bateau, gagnant le restaurant de son choix par de vieux escaliers de bois. Inoubliable.
A quelques kilomètres au sud de Lugano se trouve une modeste bourgade de pêcheurs : Ascona. La beauté de son site et de ses ruelles aux demeures secrètes en fait une sorte de Saint-Tropez d'eau douce. La communauté y vit défiler Bakounine, Isadora Duncan, les peintres du Cavalier Bleu, et Herman Hesse, amoureux éperdu du Tessin.
A une quarantaine de kilomètres de là est niché un autre joyau : le petit lac d'Orta. Peu connu, il vaut pourtant largement le détour. C'est ici que, en descendant du Sacre Monte (20 chapelles peuplées de statues polychromes dédiées à Saint-François d'Assise), Nietzsche entreprit
d'écrire Ainsi parlait Zarathoustra. La place San Giulio avec son palais peint prend l'allure d'un salon. En face, l'ile du même nom et sa basilique romane semblent hésiter entre ciel et eau.
Avril 2007
Cet article est paru dans: 
 

N°15


Par Catherine Tinghérian.