Une exposition Glamour à San Francisco
Du 9 octobre 2004 au 17 janvier 2005 le SFOMA, le Musée d'Art Moderne de San Francisco présente une exposition intitulée Glamour : Fashion, Industrial Design, Architecture.
Elle présente 125 objets qui illustrent la manière dont le concept de Glamour a imprégné trois disciplines du "design" : la mode, le design industriel et l'architecture, de 1945 à nos jours.
Elle présente 125 objets qui illustrent la manière dont le concept de Glamour a imprégné trois disciplines du "design" : la mode, le design industriel et l'architecture, de 1945 à nos jours.
Peut-on vivre sans beauté ?
Le concept de Glamour - aussi difficile à traduire exactement en français que celui de Design - exprime une notion d'excès lorsque l'on insère dans un objet banal des éléments de décor qui ne sont pas attachés à sa fonction.
Il a bien sûr été surtout développé par le monde de la Mode et de la Haute Couture. Mais pas seulement car deux autres domaines, l'esthétique industrielle et l'architecture, l'ont aussi utilisé.
Curieusement, il est apparu là où il semblait le moins attendu, et comme naturellement. Un peu à la manière de ces plantes qui poussent entre deux pavés, c'est-à-dire comme une surgescence vitale.
Peut-on vivre sans beauté, ou du moins sans quête de beauté, sans lumière ? Non, répond la glamoureuse nature qui rejette les sombres fabriques et autres bagnes industriels, les ateliers grisailleux, les bureaux monotones, et tous les objets sans âme.
En ce sens le Glamour n'est pas loin de la notion de luxe et de luxuriance. (Ces deux notions sont d'ailleurs réunies chez les latins et les anglo-saxons avec "Luxurius" et "Luxury", cf. notre article sur "Le luxe selon Littré")
La marque même de la culture de consommation du nouveau siècle
Par le passé le Glamour a été expulsé du sein du design industriel - les demandes de l'âge mécanique exigeaient que la forme suive la fonction - et peut-être plus encore en architecture où les archétypes esthétiques du modernisme et du minimalisme ont régné depuis le milieu du 20ème siècle.
Dans les plus récentes années, les progrès du design et des technologies ayant permis à des formes originales de s'intégrer à la fonction, le Glamour est devenu un style viable - et peut-être la marque même de la culture de consommation du nouveau siècle.
Joseph Rosa, l'organisateur de l'exposition en est convaincu : "Avec le crépuscule de l'âge technologique, les limitations esthétiques imposées par la productivité de l'ére mécanique ne jouent plus : la forme n'a plus à suivre la fonction et ainsi le Glamour peut apparaître, et apparaît effectivement, dans ces domaines de fabrication. Ces aspects caractéristiques du Glamour, auparavant considérés comme excessifs, sont aujourd'hui, grâce à la technologie, une composante du "design" lui-même".
Des pièces de toutes les époques
L'exposition débute par la présentation d'une partie historique avec des oeuvres issues des trois domaines de "design" concernés : mode, désign industriel et architecture.
La sélection de Mode présente des pièces de toutes les époques; le "design industriel" propose des objets très variés qui vont de l'éclairage à l'ameublement, et notamment deux voitures de luxe, le mythique coupé Jaguar type E 1965 et le coupé Bentley Continental GT2004, ainsi qu'un bateau : le surprenant 118 WallyPower; quant à l'architecture, elle est représentée par des photographies et des reconstructions en 3D et des modèles d'oeuvres contemporaines.
La Mode
Dans le champ de la Mode l'exposition décrit comment les maisons de couture, après la seconde guerre mondiale et ses contraintes, ont eu tendance à céder à une forme d'extravagance. Poussant encore plus dans ce sens dans les années 1980 les maisons de Mode ont fabriqué une image du Glamour au travers de signes anciens de l'opulence : habillage complexe, matières exotiques, coupe et travail manuel sophistiqués.
Cette exposition américaine sur le Glamour présente donc un échantillon de créations de Madame Grès, Jacques Fath, Yves Saint Laurent pour Dior, Emilio Pucci, Paco Rabanne, Karl Lagerfeld pour Chanel et Fendi, John Galliano pour Dior encore, Christian Lacroix, Jean-Paul Gaultier, Thierry Mugler, Robert Carpucci, et Vivienne Westwood, entre nombreux autres .
Le Design Industriel
Dans ce domaine l'exposition prend en compte la tradition de Glamour qui débute avec l'objet manufacturé décadent comme la chaise Brentwood de William Haines, (ca. 1945), la table de jeu en os de John Dickinson, (1977), et le lustre du Metropolitan Opera de Hans Harald Rath, (ca. 1965).
Bien que l'opulence ait été longtemps associée à la capacité d'acquérir ce genre d'objets uniques et luxueux, l'arrivée de la technologie numérique a révolutionné l'idée de personnalisation, rendant le "design" plus accessible et permettant une production de "masse" adaptée aux besoins d'un nouvel acteur : le client.
Cette tendance trouve sa voie actuellement dans le succès de la "customisation" (dont la meilleure traduction en français serait, justement, "personnalisation"), du retour en force du "sur-mesure" dans de nombreux domaines et de l'apparition des "options" proposées par l'industrie automobile.
Elle explique, par ricochet, l'extraordinaire et paradoxal effort de l'industrie du luxe pour séduire la "masse", ce nouveau nabab multiforme...
Les objets contemporains du "design" proposés incluent
les étagères Spring Clouds de Ronan et Erwan Bouroullec (2003), la Felt Chair de Marc Newson (1993), le Yacht à moteur 118 WallyPower (2003), le lit rond Ninarota de Ron Arad (2002), la montre Oyster Perpetual en or blanc et diamant par Rolex, 2003, ou le lustre en Cascade de Vincent Van Duysen pour la Swarovski Crystal Palace Collection (2003).
L'Architecture
Dans l'architecture, l'exposition cherche à identifier les racines du Glamour dans les créations des architectes de l'après-guerre.
Fuyant la pureté moderniste en faveur d'une réalisation débridée, ils se sont d'ailleurs attiré les remarques de nombreux critiques de l'époque qui n'y voyaient que de la décoration.
Aujourd'hui, la génération des architectes formés aux techniques informatiques transforme les dispositifs qui étaient par le passé simplement ornementaux en éléments intégrables à la construction elle même et cela définit une nouvelle esthétique architecturale sophistiquée.
Débutant par une présentation de projets historiques comme le New York State Theater de Philip Johnson au Lincoln Center, 1964, la Beinecke Rare Book Library de l'université de Yale par Gordon Bunshaft (1963), et le lobby de l'hôtel Eden Roc de Morris Lapidus à Miami Beach (1955), l'exposition passe à l'esthétique sophistiquée propagée par les architectes contemporains comme Herzog et de Meuron pour la boutique de Prada à Tokyo (2003), l'Athletic Center de l'université de Cincinnati de Bernard Tschumi (2004), et l'Arche de Greg Lynn du World Museum en réalisation au Costa Rica, entre d'autres.
Le Glamour est une plante qui pousse en temps de paix. Si depuis la fin de la seconde guerre mondiale elle à trouvé en "Occident" un terreau fertile elle est en éclosion actuellement en Chine, où notre regard devrait désormais s'orienter. Les "Mille Fleurs" du président Mao y connaissent enfin leur printemps...
Le concept de Glamour - aussi difficile à traduire exactement en français que celui de Design - exprime une notion d'excès lorsque l'on insère dans un objet banal des éléments de décor qui ne sont pas attachés à sa fonction.
Il a bien sûr été surtout développé par le monde de la Mode et de la Haute Couture. Mais pas seulement car deux autres domaines, l'esthétique industrielle et l'architecture, l'ont aussi utilisé.
Curieusement, il est apparu là où il semblait le moins attendu, et comme naturellement. Un peu à la manière de ces plantes qui poussent entre deux pavés, c'est-à-dire comme une surgescence vitale.
Peut-on vivre sans beauté, ou du moins sans quête de beauté, sans lumière ? Non, répond la glamoureuse nature qui rejette les sombres fabriques et autres bagnes industriels, les ateliers grisailleux, les bureaux monotones, et tous les objets sans âme.
En ce sens le Glamour n'est pas loin de la notion de luxe et de luxuriance. (Ces deux notions sont d'ailleurs réunies chez les latins et les anglo-saxons avec "Luxurius" et "Luxury", cf. notre article sur "Le luxe selon Littré")
La marque même de la culture de consommation du nouveau siècle
Par le passé le Glamour a été expulsé du sein du design industriel - les demandes de l'âge mécanique exigeaient que la forme suive la fonction - et peut-être plus encore en architecture où les archétypes esthétiques du modernisme et du minimalisme ont régné depuis le milieu du 20ème siècle.
Dans les plus récentes années, les progrès du design et des technologies ayant permis à des formes originales de s'intégrer à la fonction, le Glamour est devenu un style viable - et peut-être la marque même de la culture de consommation du nouveau siècle.
Joseph Rosa, l'organisateur de l'exposition en est convaincu : "Avec le crépuscule de l'âge technologique, les limitations esthétiques imposées par la productivité de l'ére mécanique ne jouent plus : la forme n'a plus à suivre la fonction et ainsi le Glamour peut apparaître, et apparaît effectivement, dans ces domaines de fabrication. Ces aspects caractéristiques du Glamour, auparavant considérés comme excessifs, sont aujourd'hui, grâce à la technologie, une composante du "design" lui-même".
Des pièces de toutes les époques
L'exposition débute par la présentation d'une partie historique avec des oeuvres issues des trois domaines de "design" concernés : mode, désign industriel et architecture.
La sélection de Mode présente des pièces de toutes les époques; le "design industriel" propose des objets très variés qui vont de l'éclairage à l'ameublement, et notamment deux voitures de luxe, le mythique coupé Jaguar type E 1965 et le coupé Bentley Continental GT2004, ainsi qu'un bateau : le surprenant 118 WallyPower; quant à l'architecture, elle est représentée par des photographies et des reconstructions en 3D et des modèles d'oeuvres contemporaines.
Dans le champ de la Mode l'exposition décrit comment les maisons de couture, après la seconde guerre mondiale et ses contraintes, ont eu tendance à céder à une forme d'extravagance. Poussant encore plus dans ce sens dans les années 1980 les maisons de Mode ont fabriqué une image du Glamour au travers de signes anciens de l'opulence : habillage complexe, matières exotiques, coupe et travail manuel sophistiqués.
Cette exposition américaine sur le Glamour présente donc un échantillon de créations de Madame Grès, Jacques Fath, Yves Saint Laurent pour Dior, Emilio Pucci, Paco Rabanne, Karl Lagerfeld pour Chanel et Fendi, John Galliano pour Dior encore, Christian Lacroix, Jean-Paul Gaultier, Thierry Mugler, Robert Carpucci, et Vivienne Westwood, entre nombreux autres .
Dans ce domaine l'exposition prend en compte la tradition de Glamour qui débute avec l'objet manufacturé décadent comme la chaise Brentwood de William Haines, (ca. 1945), la table de jeu en os de John Dickinson, (1977), et le lustre du Metropolitan Opera de Hans Harald Rath, (ca. 1965).
Bien que l'opulence ait été longtemps associée à la capacité d'acquérir ce genre d'objets uniques et luxueux, l'arrivée de la technologie numérique a révolutionné l'idée de personnalisation, rendant le "design" plus accessible et permettant une production de "masse" adaptée aux besoins d'un nouvel acteur : le client.
Cette tendance trouve sa voie actuellement dans le succès de la "customisation" (dont la meilleure traduction en français serait, justement, "personnalisation"), du retour en force du "sur-mesure" dans de nombreux domaines et de l'apparition des "options" proposées par l'industrie automobile.
Elle explique, par ricochet, l'extraordinaire et paradoxal effort de l'industrie du luxe pour séduire la "masse", ce nouveau nabab multiforme...
Les objets contemporains du "design" proposés incluent
les étagères Spring Clouds de Ronan et Erwan Bouroullec (2003), la Felt Chair de Marc Newson (1993), le Yacht à moteur 118 WallyPower (2003), le lit rond Ninarota de Ron Arad (2002), la montre Oyster Perpetual en or blanc et diamant par Rolex, 2003, ou le lustre en Cascade de Vincent Van Duysen pour la Swarovski Crystal Palace Collection (2003).
Dans l'architecture, l'exposition cherche à identifier les racines du Glamour dans les créations des architectes de l'après-guerre.
Fuyant la pureté moderniste en faveur d'une réalisation débridée, ils se sont d'ailleurs attiré les remarques de nombreux critiques de l'époque qui n'y voyaient que de la décoration.
Aujourd'hui, la génération des architectes formés aux techniques informatiques transforme les dispositifs qui étaient par le passé simplement ornementaux en éléments intégrables à la construction elle même et cela définit une nouvelle esthétique architecturale sophistiquée.
Débutant par une présentation de projets historiques comme le New York State Theater de Philip Johnson au Lincoln Center, 1964, la Beinecke Rare Book Library de l'université de Yale par Gordon Bunshaft (1963), et le lobby de l'hôtel Eden Roc de Morris Lapidus à Miami Beach (1955), l'exposition passe à l'esthétique sophistiquée propagée par les architectes contemporains comme Herzog et de Meuron pour la boutique de Prada à Tokyo (2003), l'Athletic Center de l'université de Cincinnati de Bernard Tschumi (2004), et l'Arche de Greg Lynn du World Museum en réalisation au Costa Rica, entre d'autres.
Le Glamour est une plante qui pousse en temps de paix. Si depuis la fin de la seconde guerre mondiale elle à trouvé en "Occident" un terreau fertile elle est en éclosion actuellement en Chine, où notre regard devrait désormais s'orienter. Les "Mille Fleurs" du président Mao y connaissent enfin leur printemps...
Octobre 2004
Par Yves CALMEJANE