Sur la terre des géants
Connu pour son célèbre delta de l’Okavango et les plaines du Kalahari, le Botswana, vaste comme la France métropolitaine, cache encore des secrets d’aventure. Et quand la piste se met à chanter la musique des chevaux, c’est le pouls de l’Afrique et du bush qui bat longtemps dans la mémoire du voyageur.
Into the Wild
L’ancien protectorat anglais connaît depuis son indépendance en 1966, un régime démocratique, un système sanitaire, éducatif et social sans équivalent sur le continent africain. Perle nichée sur la frontière avec l’Afrique du Sud et le Zimbabwe, le Tuli Block, réputé pour ses sites archéologiques et historiques, est une étroite bande de terres fertiles qui borde les rives du fleuve Limpopo. C’est là que j’ai rendez-vous pour une randonnée à cheval de plus de 200 km dans la plus grande réserve privée du pays, celle du Mashatu (450km2), surnommée Terre des Géants. On ne croise ni rhinocéros ni buffles, mais tous les autres animaux mythiques de l’Afrique vivent sur ce territoire encore préservé de la main de l’homme. Si cette randonnée de 7 jours (possible uniquement sur la saison d’hiver avec des températures de 20 à 25° la journée et jusqu’à 8 la nuit !) s’adresse à des cavaliers avertis, elle n’en demeure pas moins une approche de l’Afrique au plus près d’une nature encore vierge, dans l’intimité des bruits du bush ou du silence à l’approche des animaux. Ceux-ci, souvent blasés par les 4X4, réagissent au contact des chevaux et c’est toute une faune en mouvement qui livre un spectacle aérien. Notre camp de base se trouve à 30 minutes du poste frontière de Pont Drift, au Mashatu Makedi et aux écuries du Limpopo Horse Safaris tenues par Cor et Louise, deux expatriés tombés amoureux du Botswana en 2003 et aujourd’hui à la tête d’une cavalerie de 35 chevaux. West, notre guide pour la semaine, nous conduit jusqu’au camp de base : 7 tentes dans le bush, into the wild.
Retour à l’essentiel
Plus qu’une simple randonnée, le contact à cheval avec le bush et la nature relève de l’expérience humaine et d’un retour aux instincts primitifs : regarder, sentir, écouter. Dépouillés de ce qui faisait de nous de bons citadins, nous revenons à une vie simple mais remplie de l’intensité de moments éphémères : celui du chant du Francolin le matin (on compte environ 350 espèces d’oiseaux dans la réserve), des impalas qui déboulent au galop devant nous, de la girafe altière qui nous fixe anxieuse, des éléphants qui nous toisent, de la hyène qui vient nous voler nos chaussures la nuit, de la lionne repue et assommée d’avoir englouti un élan…Et puis les moments intenses d’adrénaline et de complicité, partagés avec nos chevaux à l’approche d’un animal…Nous sommes des centaures africains dans un décor de mopanes et de blocs de grès roses. Et quand vient le couchant, nous faisons cercle autour du feu de camp, celui qui éloigne les fauves et attire les amis. Nous sommes devenus un clan, une petite communauté qui a retrouvé la joie des palabres, des blagues, des jeux, soudée par la nature qui nous tolère sur son terrain. Déconnectés du monde, sans télévision ni portable. Loin de tout. Les coucher de soleil sont notre émission quotidienne. Ici, la nuit semble dévorer le jour, d’un coup et pendant que l’horizon gobe le phlogiston, l’instant du crépuscule continue à baigner le paysage de nappes roses et orangées. Des arbres incrustent leur squelette dans ce tableau rougeoyant et la lune auréolée prend la place sur le trône délaissé par le soleil.
Nous savourons les récits de West et nos silences aussi, avant de nous abandonner à l’encre du ciel et son tapis d’étoiles filantes. Le chant de la nuit peut reprendre : celui des grillons, des branches qui craquent et des cris d’animaux dans le lointain. Une berceuse sauvage et primitive faite de rêves de galopades. Magique.
Février 2009
Par Claire BUART