Evasion


La renaissance du mythique Royal Palm

Il est un lieu privilégié dans l'Océan Indien qui possède une aura, une distinction particulière qui en fait une adresse à part depuis plus de 30 ans : le bien-nommé Royal Palm à l'Ile Maurice. Ce prestigieux et mythique établissement ouvert en 1985 par Jean-Pierre Chaumard, vit à l'heure actuelle, sous la houlette de son directeur général depuis 10 ans, Jacques Silvant et Amélie Montocchio, décoratrice et designer, une véritable renaissance. Des travaux d'envergure qui auront duré uniquement 4 mois et demi. Une vraie gageure ! Entretien avec Luxe Magazine.

Les Suites- Crédit photos : Beachcomber Hotels

Le Royal Palm, qui appartient au Groupe Beachcomber*, a près de 30 ans. Vous y avez travaillé en 2001, tout d'abord aux côtés de Jean-Pierre Chaumard qui l'avait lancé, puis en tant que Directeur Général à partir de 2004. Dix ans déjà où vous avez fait évoluer le Royal Palm sans le départir de son aura et de son élégance. Une page se tourne avec la naissance du nouveau Royal Palm, en cours de rénovation totale, qui ouvrira ses portes le 11 octobre 2014. Qu'est ce qui va changer ?


J.S : Je dois vous avouer en premier lieu que je souhaitais déjà depuis quelques années le rénover en profondeur et qu'en cela le Président de Beachcomber, Herbert Couacaud m'a donné carte blanche. J'ai ainsi joui d'une véritable indépendance, ce dont je lui suis profondément reconnaissant.
Pour répondre à votre question, tout va changer mais dans une certaine continuité et en respectant l'âme du Royal Palm ! Notre premier objectif a été de pas trahir l'esprit de l'établissement tout en lui apportant un souffle nouveau et une modernité à tous les niveaux : chambres, lobby et réception, décoration, jardins, redéfinition et rationalisation des espaces...

  Une suite- Crédit photos : Beachcomber Hotels

Vous avez décidé de travailler avec Amélie Montocchio. Pourquoi ?

J.S : En premier lieu son travail et son discours qui m'ont séduit. Puis le fait qu'elle soit française et mauricienne, lui permettant de comprendre le Royal Palm, son histoire et sa clientèle internationale. Enfin je souhaitais quelqu'un qui ne soit pas trop complaisant vis-à-vis de moi et qui puisse défendre ses propres idées.

Chambre de la Palm Suite- Crédit photos : Beachcomber Hotels

Quel est l'objectif que vous murissiez depuis quelques années et que vous avez souhaité mettre en avant pour ce nouveau Royal Palm ?

J.S : Une rénovation globale s'imposait, car elle n'avait jamais été faite jusqu'à présent. Nous n'avions rénové que par touches et elle devenait aujourd'hui nécessaire. Bien entendu, s'attaquer au mythique Royal Palm n'était pas simple et je vous avoue que nous l'avons démarré avec parfois un peu d'anxiété, par peur de toucher à l'essence même du lieu et de lui enlever ce qui a fait jusqu'à aujourd'hui sa magie, mais aussi avec beaucoup d'excitation et d'enthousiasme, tout en tempérant quelquefois notre ardeur ! Nous devions lui conserver cette aura, cette atmosphère, cette élégance dont il ne s'est jamais départi afin que le client retrouve "son hôtel" tout en lui apportant cette modernité dont je parlais ainsi qu'une certaine rondeur et féminité.

- Crédit photos : Beachcomber Hotels

Nous ne voulions surtout pas être radical. En fait je crois que c'est un vrai travail d'équilibriste que nous avons réalisé, Didier Ho, Amélie Montocchio et ma modeste personne, pour lui insuffler cette nouvelle identité tout en douceur, avec plus de 500 ouvriers sur le chantier.

- Crédit photos : Beachcomber Hotels

Quelle a été la ligne directrice et le cahier des charges que vous avez donnés à Amélie Montocchio pour conserver cette distinction et cette aura à l'établissement ?


J.S : Tout d'abord, j'ai désiré réduire le nombre de chambres et passer de 84 clés à 69, transformant 30 chambres en 15 suites "Océane" supplémentaires, de 100 m² carrés chacune (chambre + salon) et terrasse de 30 m², afin de répondre au souhait de nos clients. La façade ainsi que les terrasses devaient être revues. Elles ont subi, grâce au travail remarquable de Didier Ho, l'architecte en bâtiment, un lifting et une transformation incroyables : allègement des balustrades et des rambardes, pergolas en acier épousant les chambres d'une manière fluide et aérienne, revêtement des murs qui ont perdu leur couleur vanille/safran pour devenir perle. Un pari osé mais réussi ! Le mariage réalisé est étonnant, tout en élégance et légèreté.

Salle de bain Océan- Crédit photos : Beachcomber Hotels

Je souhaitais également épurer et rationaliser les espaces aussi bien du lobby que de la réception, apporter un espace à vivre plus généreux, retravailler les volumes et le décor des chambres, des salles de bain et des dressings, créer un nouveau mobilier qui suivrait un fil conducteur et revoir l'ensemble de l'éclairage. Plus particulièrement celui du restaurant la Goêlette, en lui apportant une lumière plus tamisée, plus chaleureuse et moins "cathédrale" avec cette hauteur de plafond.

La Réception- Crédit photos : Beachcomber Hotels

J'imagine que dans le cadre de cette refonte totale, vous avez apporté des nouveautés ?

J.S : Effectivement, nous avons créé dans les jardins une nouvelle piscine de nage de 25 mètres de long sur 4, 50 m de large, à la demande des clients. Celle-ci s'intègre parfaitement dans le paysage, avec une jolie minéralité, épousant le terrain, tout en rondeur et sans angle aigu.
Habillée d'un bois indonésien, le baleo, elle offre un espace de vie supplémentaire et surtout elle sera chauffée comme les 2 autres. Non négligeable en période hivernale, pour les accros de nage (sourires) !
A la place du Natur Eaty, nous créons une trattoria italienne, "la Brezza" (la Brise). Un concept chic et simple avec un chef italien et une cuisine ouverte, qui proposera une carte 100% italienne (antipasti, risottos, pâtes...). Cela permettra aux clients qui restent plus d'une semaine de faire une pause d'un soir, ayant la chance de déguster tous les jours la cuisine créative et savoureuse de Michel de Matteis.
A la Goêlette, nous créons un véritable buffet de petit-déjeuner grâce à un mobilier dessiné sur-mesure par Amélie. Mélange de bois, de marbre, de granit, il sera aussi un élément de décoration.
Des lampes pour les tables sont aussi prévues pour insuffler une ambiance tamisée et plus intime. Le sol change, avec des dalles italiennes légèrement grisées, rappelant les pierres de Maurice. Il apportera le soir un esprit plus enveloppant.
Quant au jardin, nous l'allégeons et le retravaillons dans sa structure en le scénarisant, car depuis 30 ans la nature avait petit à petit repris ses droits (sourire) mais nous lui conserverons un aspect "sauvage" revisité. Nous allons ainsi offrir aux clients des perspectives , des angles et des axes de vue différents.
Nous introduisons également de nouvelles essences et surtout le jardin sera plus fleuri, pour apporter des touches de couleur sur le fond vert de la végétation.

- Crédit photos : Beachcomber Hotels

Y a-t-il des espaces qui ne bougent pas ?

J.S : Oui. Nous conservons notre spa Clarins, le centre de sport et le Bar Plage.

Le Spa du Royal Palm

La salle de fitness du Royal Palm

Et bien entendu, nous n'avons pas touché à la mer qui est toujours là (sourires) et notre magnifique plan d'eau accueillera toujours nos clients en mal de plage.

Bar Plage- Crédit photos : Beachcomber Hotels

Amélie Montocchio, nous souhaiterions vous connaître un peu plus. Parlez-nous un peu de vous ?

A.M : En quelques mots, car je n'aime pas parler de moi ou me mettre en scène (sourires). J'ai étudié à l'Ecole Boulle, puis travaillé durant 3 ans à Paris, ensuite 12 ans à Maurice en tant que designer. Je me sens d'ailleurs mauricienne de cœur.
J'ai ainsi eu la chance avant le Royal Palm de pouvoir travailler et faire mes armes auprès de différents hôteliers tels que Le Suffren, Paul & Virginie, Hennessy, le groupe Constance avec la Villa Présidentielle du Belle Mare Plage à Maurice, et toujours avec le groupe Constance aux Seychelles et aux Maldives. J'ai également un projet de développement au Sri Lanka.
Mais à ce jour je me donne corps et âme à la renaissance de ce mythique hôtel qu'est le Royal Palm. J'ai eu beaucoup de chance d'être choisie parmi d'autre candidats par Jacques Silvant, pour ce merveilleux projet et je l'en remercie.

Amélie, quels ont été les choix pris pour conserver cette élégance au Royal Palm tout en lui insufflant une certaine modernité  ?


A.M : Je crois que le maître-mot a été "harmonisation" et fil conducteur. Celui-ci s'était un peu perdu au fil du temps et nous avons eu à cœur avec Jacques Silvant de redonner une luminosité, des volumes et une touche intemporelle tout en conservant la magie du lieu.
Comme nous voulions être en accord avec le Royal Palm Marrakech qui s'est ouvert cette année, et créer ainsi un fil d'Ariane pour les clients qui iront de l'un à l'autre, nous avons repris par touches subtiles quelques éléments que l'on retrouve au Royal Palm de Maurice.
Ainsi l'écran/paravent rétro-éclairé que l'on retrouve derrière les baignoires est ciselé et rappelle un peu le moucharabieh, le choix du noyer comme bois pour le travail du mobilier, que nous trouvions chic et sophistiqué, a été repris ici. Des couleurs et matières nous ont aussi inspiré et quelques touches se retrouvent sur le choix des tissus.

Salle de bain de la Palm Senior Suite - Crédit photos : Beachcomber Hotels

Comment avez-vous conçu les suite et les chambres ?

A.M : L'objectif encore une fois restait d'épurer. De moderniser sans surcharger, tout en gardant le raffinement et une certaine féminité dans un cadre apaisant et serein où le client retrouve ses marques.
Ainsi le côté indien qui était omniprésent auparavant, se retrouve par exemple juste par touches subtiles dans le piètement des meubles. 9 suites de style différent sont créées, avec une personnalisation au niveau des étoffes (Pierre Frey, Fadini Borghi, Boussac, Nobilis...)
La junior suite est dans les tons corail avec du lin rebrodé, la suite Océane dans les notes turquoises...
Les suites haut de gamme offrant des volumes encore plus généreux permettent soie, velours...
Nous avons fait un gros travail sur le dressing, plus ouvert, plus léger et plus fonctionnel, composé d' éléments flottants.
Dans les salles de bain, j'ai introduit des touches de marbre pour suggérer le luxe avec une jolie robinetterie de caractère (Zucchetti) ; des baignoires flottantes avec écran ciselé façon moucharabieh, des douches spacieuses avec un rétro éclairage qui les met en scène. Le client peut ainsi choisir en fonction de son humeur l'éclairage qu'il souhaite.
Comme chaque chambre et suite est différente, il y a 17 plans de salle de bain !
Quand au sol, il change en fonction de la catégorie de la suite.

La junior Suite- Crédit photos : Beachcomber Hotels

Et pour le mobilier ?

A.M : Pour le mobilier (consoles, tables de chevet, chaises, têtes de lit...) que j'ai entièrement dessiné et fait réaliser à Maurice, j'ai choisi avec Jacques Silvant, comme bois le noyer. Chic et élégant il respecte l'équilibre que nous cherchions.
90 % des luminaires dessinés par mes soins ont aussi été fabriqués sur l'Ile. Ce dont nous sommes très fiers.
Nous souhaitions un mobilier épuré, mais surtout pas rigide. Je devais donc amener du détail, de la rondeur et de la féminité.
Comme je souhaitais que le client se sente à l'Ile Maurice, j'ai également choisi certains matériaux et détails (rotin, bois ciselé ethnique...)

- Crédit photos : Beachcomber Hotels

Avez vous souhaité insérer des objets particuliers ?

A.M : Oui, quelques lampes originales, des tableaux et des grandes affiches de photos Noir & Blanc de paysages de l’Ile Maurice.

Salon d'une suite - Crédit photos : Beachcomber Hotels

Jacques Silvant, quelle va être la nouvelle signature du Royal Palm ?

J.S : Comme c'est une rénovation d'ensemble homogène nous aurons un hôtel cohérent et harmonieux dans son style et sa décoration. Tous les espaces publics vont être spectaculaires grâce à leur sol, leur mobilier et leur volume recréé. Nous apportons une part de féminité qui n'existait pas auparavant grâce à la sensibilité d'Amélie Montocchio, au choix des tissus et à la réalisation du mobilier.
C'est une vraie rupture, mais cohérente et dans la continuité de l'attrait et du raffinement que représente le Royal Palm aux yeux de la clientèle internationale.

Salle de bain de la Palm Suite- Crédit photos : Beachcomber Hotels

Quel est le budget pour cette rénovation ?

J.S : 15 millions d'euros

Et la durée des travaux ?

J.S : 4 mois et demi. Du 15 mai au 11 octobre.

4 mois et demi ?

J.S : Oui, je comprends votre étonnement. Comme vous le constatez nous aurons réalisé ici une prouesse incroyable pour rénover en profondeur un établissement comme le Royal Palm, avec 500 ouvriers !

Jacques Silvant, quelle est votre définition du luxe pour le Royal Palm ?

Faire cohabiter le service le plus attentionné possible et une extrême simplicité. Avoir une qualité irréprochable dans une atmosphère chaleureuse et de dimension humaine, et cela grâce à l'ensemble de notre personnel qui est formidable et qui représente vraiment la colonne vertébrale de l'établissement.
Pour tout vous dire, je fuis les hôtels guindés !

Et pour vous Amélie Montocchio, votre définition du luxe au Royal Palm ?

Nous n'avons jamais voulu avec Jacques Silvant de quelque chose d'ostentatoire mais plus de l'ordre du raffinement et de l'exclusivité. Chaque matériau choisi est beau mais subtil et élégant et laisse la part belle à l'environnement et à la nature.

- Crédit photos : Beachcomber Hotels

Jaques Silvant, quelle est votre vision du Royal Palm du 21è siècle ?

Mon rêve : que l'évolution apportée continue pour les générations à venir.
J'aspire, tout en conservant l'élégance de son service, à élargir le panel de notre clientèle, comme par exemple accueillir plus de familles, car à mes yeux, l'hôtel représente un lieu de vie.
C'est un bonheur pour moi de voir des clients fidèles depuis plus de 30 ans, venir avec leurs enfants et parfois petits-enfants et de constater que chaque génération y trouve ses marques et s'épanouit pleinement.
Le Royal Palm doit être fédérateur et inter générationnel, car ce lieu est magique. son emplacement dégage certainement des ondes bienfaisantes, car tout client qui séjourne ici s'approprie très rapidement les lieux et s'y sent comme dans une maison de famille.  Je crois que c'est une expérience propre au Royal Palm.

Amélie Montocchio : 3 mots pour définir le Royal Palm ?

Exclusif, sentiment d'unicité, raffinement.

Et pour vous Jacques ?

Élégance, intemporel, émotion.

Amélie, que vous a apporté ce projet ?

J'ai travaillé avec mon cœur et j'ai tout de suite compris l'idée de Jacques Silvant, ce qui fait que nous avons été en osmose sur la réalisation du projet. Pouvoir donner naissance à un nouveau visage du Royal Palm dans sa globalité est une très jolie expérience pour moi.
Ma chance fut d'avoir comme interlocuteur et partenaire privilégié Jacques Silvant. Il ne m'a pas enfermée dans un cadre rigide et défini, mais au contraire m'a permis de m'exprimer en toute liberté et de lui apporter des propositions novatrices qui allaient dans le sens qu'il souhaitait.

- Crédit photos : Beachcomber Hotels

Jacques Silvant, vous travaillez main dans la main avec Amélie Montocchio pour ce nouveau Royal Palm. Vous avez endossé différentes casquettes pour suivre le chantier au quotidien, quelle est la casquette qui vous plaît le plus ?


Être hôtelier reste vraiment ma seule casquette (sourires.) Elle me permet d'effleurer beaucoup de choses et de m'exprimer dans des domaines qui ne sont pas les miens. Car l'hôtelier est au cœur de l'histoire, ce qui fait "la grâce" de ce métier !

Amélie Montocchio et Jacques Silvant












Septembre 2014
Par Katya PELLEGRINO