Le Prieuré, une ode à Napoléon
Au Prieuré, non loin de Saumur le temps semble suspendu ! Devant nos yeux, la Loire s‘écoule paresseusement et paisiblement, léchant les rives touffues de son lit. Seuls quelques tourelles ou clochers d’église au loin, rappellent la vie. Des paysages qui semblent immuables depuis des siècles… Et pourtant, au Prieuré, le XVIII revit grâce à Napoléon et à son retour de campagne d’Egypte sous l’impulsion de son propriétaire, monsieur Zaya Younan de la Grande Maison Younan Collection. Plongée dans une histoire pas comme les autres avec Katya Pellegrino !
Tel un « prince » étranger qui par un coup de baguette magique réveille…
Un amoureux fou de la France, du luxe, passionné d’histoire, qui par un coup de sa baguette magique (ou plutôt de travaux coûteux) a décidé de faire renaître des châteaux en ruine, ces oubliés de l’histoire. Tel se définit Zaya Younan, un américain né en Iran, qui se partage entre les Etats-Unis et la France.. Un pari audacieux qui l’a amené à acheter à ce jour 5 châteaux disséminés entre la Loire et la Bourgogne ainsi qu’un vignoble dans le bordelais. Aujourd’hui il ressuscite l’histoire de ces châteaux, leur apportant leur lustre d’antan et l’Art de Vivre à la française.
Un château d’époque
Château le Prieuré
Imaginez un paysage inchangé depuis des décennies. Quelques maisons ou manoirs en pierre de tuffeau coiffés de toits en ardoise. Enfin la route longeant la rive sinueuse de la Loire et soudainement au détour d’une ruelle de Chênehutte-Trèves- Cunault, une pancarte indiquant : Le Prieuré. Un chemin encadré de marronniers montant la garde, vous accompagne jusqu’ à la grille du château. Ici le charme agit. L’histoire se rappelle à notre mémoire et la vue en surplomb de la Loire achève de conquérir le regard.
Quelques siècles d’histoire
Altier, ce petit château du Xème siècle, était au temps des romains, un avant-poste accueillant des établissements publics, un forum et un temple. Au XIème siècle, il fut habité par les moines bénédictins qui avaient trouvé le lieu propice à leur vie et y construisirent l’église St-Pierre, puis le transformèrent en Prieuré. La Renaissance, au XVIème, lui dédie une tourelle octogonale ! Enfin, le comte de l’Aubépin au XIXème et le comte de Castellane au XXème prennent le relais. Ils lui rajoutent une tour carrée et des terrasses étagées, offrant sa stature définitive de château à l’ensemble. Erigée sur un promontoire qui domine le fleuve, sa silhouette noble attire le regard. Quelques fenêtres gardent encore des traces de son histoire avec des vitraux au plomb. On se plaît alors à rêver derrière ces fenêtres, imaginant un preux chevalier harnaché sur sa monture, galopant fièrement et mettant pied à terre devant le perron de ce lieu ancestral.
Un retour d’Egypte aux couleurs triomphantes
Une fois le perron du domaine franchi, la richesse et l’opulence des lieux nous sautent aux yeux. Dès l’entrée, tableau de Botticeli, « la naissance de Vénus », guéridons et miroirs habillés d’or, chaises et banquettes capitonnées en rouge sang, buste en marbre de Napoléon, trompe l’œil en accordéon au plafond, buste grec dans la cheminée accueillent le visiteur. Ici encore l’architecte, Mathieu Micaud, en accord avec monsieur Younan, s’est fait plaisir en réinventant un peu l’histoire.
Le bar qui s’érige le long d’immenses baies ne fait qu’un avec l’extérieur. Le regard est irrésistiblement attiré par la Loire en contrebas, qui coule paisiblement. Ici le style Louis XVI s’acoquine avec le style empire. Fauteuils et méridiennes cossus en velours bleu roi et vert bouteille s’alignent en rangs de bataille, accompagnant des tables basses. C’est assis dans ce décor que l’on déguste un whisky ou un très bon cognac, se laissant aller à rêver de cette époque lointaine.
Des plantes vertes ou des vases précieux trônent sur des colonnes empire en bois tressées d’or. Des suspensions en cristal projettent une lumière d’astre sur le sol en marbre quadrillé noir et blanc. L’ancien mur du château sur lequel s’adosse le bar, laisse encore apparaître d’anciens encadrements de portes et des fenêtres aux dessins de plomb.
Le restaurant Castellane, une plongée dans l’histoire de la campagne d’Egypte
Restaurant Castelanne
Du bar, l’ouverture de la porte laisse entrevoir l’apparat de la salle à manger qui n’a rien à envier aux demeures environnantes. Le regard cligne une fois de plus sous l’opulence et la surabondance des décorations. Un sarcophage à l’entrée donne déjà le ton. Vous plongez dans l’Egypte sous la direction de Napoléon. Statues en résine d’Alexandre, colonnes montées sur des supports en or, tableaux plus grands que nature de Napoléon et de Joséphine à leur couronnement, (copies réalisées en Allemagne) vous suivent du regard. Deux « sphinx » semblent monter la garde devant une table, le tout illuminé par plusieurs lustres de cristal. L’or est partout : Sur les moulures, en tresse autour des fauteuils, habillant les tables, s’enroulant autour des guéridons, des lampes ou autour des fenêtres.
Un chef au talent remarquable
Dans ce décor magistral et flamboyant qui pourrait servir à un tournage, Richard Prouteau(Chef 1 étoile au Richelieu à l’Ile de Ré, ayant travaillé au Jules Verne, Ciberta, Auberge des Templiers…) donne toute la mesure de son talent. Les tables éloignées les unes des autres, encapuchonnées de blanc, sont encadrées d’imposantes chaises en velours noir et rouge rehaussées de laque noire et dorée et jouent les stars. Les baies vitrées sont habillées de rideaux Empire. Saisis par cette mise en scène, nous nous attablons pour déguster avec plaisir les créations du chef. Ici, c’est la valse des plaisirs gustatifs qui nous attend !
Après un amuse-bouche à l’artichaut et aux copeaux de truffe, nous nous laissons tenter par des « escargots de Mouliherne, tarte sablée aux herbes potagères et lard fumé ». Original, l’escargot se retrouve dans la tarte sablée, donnant ce goût inédit, persillé sans être trop aillé, avec une pointe légèrement sucrée, le tout relevé d’un œuf bio. « Les noix de coquilles Saint-Jacques rôties au « sang de betterave » céleris et boudin noir séché » sont succulentes et goûteuses. Le bœuf « Rouge des Prés » au foie gras, légumes de saisons » tendre et moelleux dans la bouche et pour finir en apothéose, nous nous laissons tenter par un soufflé Cointreau et un vacherin revisité. Un vrai tableau pour les yeux et un régal pour nos papilles !
Des chambres qui appellent le rêve
Château Le prieuré
Après cette apothéose et un petit digestif au bar pour nous remettre de ces agapes vertigineuses qui méritent une étoile pour le chef, les rayons de la lune nous guident pour monter dans nos appartements et retrouver un peu d’histoire. Chaque chambre exprime son style, avec une empreinte bonapartiste et quelques objets de-ci de-là, d’époque. Tapisserie aux murs, un baldaquin pour nous plonger dans l’histoire, un fauteuil égaré du Moyen-Age, un siège calèche et quelques miroirs et candélabres sont les parfaits compagnons pour cette nuit câline et douce.
Une région à découvrir
Le soleil au petit matin se fait coquin et filtre à travers les rideaux, nous taquinant pour nous inviter à nous lever. Le petit-déjeuner pris dans le restaurant est un pur régal : pâte à tartiner et miel maison, brioche tendre et savoureuse, charcuteries et fromages de la région, un plaisir que nous dégustons en contemplant émerveillés le paysage bucolique traversé par la Loire immuable qui s'étale à nos pieds...
Des ombres argentées, bougent sur ce miroir presque immobile ! En y regardant de plus près, ce sont des escadrilles d’oiseaux qui nous souhaitent la bienvenue ! La région est si belle, que le choix est difficile : Saumur et son château, le Cadre Noir, l’Abbaye de Fontevraud ou le château d’Angers avec sa célèbre tapisserie de l’Apocalypse de St Jean... Notre choix se porte en premier sur ce chef-d’œuvre d’art médiéval commandé par le duc Louis 1er d’Anjou en 1375 et réalisé par Jean de Bruges, peintre et frère du roi de France Charles V. Plus de 100 mètres sur 140 ont été préservés et sont exposés dans une salle conçue spécialement au Château pour la conserver. Cette tenture constituée de 6 pièces, révèle dans toute sa splendeur l’art pictural de la fin du Moyen- Age.
Une belle découverte ! Le lendemain, d’autres aventures nous attendront.
Février 2018
Par Katya PELLEGRINO