La Patagonie : un vertige horizontal
Ce grand Sud de l’Argentine, c’est la Patagonie, extrémité mythique du continent américain, ultime vertèbre de cette phénoménale cordillère des Andes qui s’achève au cap Horn. Une contrée indomptée, qui laisse sans voix, où les mots se perdent dans l’infini d'espaces grandioses et extrêmes. A El Calafate, petit village de pionniers, à 3 heures de vol de Buenos Aires, nous découvrons cette terre aride, ces glaciers du bout du monde, véritable mémoire du temps dans un hôtel plein de charme, le Los Sauces.
El Calafate, village du bout du monde
Sous les ailes de l’avion se profile déjà une vision fugace de ce qui nous attend : mosaïque et vrai dédale de volcans, fjords, lagons, glaciers, plaines argentines, lacs bleutés… Il faut alors prendre la mesure de la démesure qui présage d’émotions diverses.
El Calafate, petit village situé entre le Plateau de Santa Cruz et la Cordillère des Andes au sud-ouest de la province de Santa Cruz, est la porte d'entrée vers le fameux Glacier Perito Moreno et le Parc National desGlaciers de Patagonie. Devenu célèbre grâce à son président Kirchner qui en est issu, ce village a vu son développement s’accélérer grâce à la création d’un aéroport. Il se trouve au bord du lago Argentino.
A 30 Km de là, la mythique route 40 reliant la Bolivie à la Terre de Feu prend naissance.
Dans les rues au cordeau, des échoppes aux devantures colorées se pressent les unes contre les autres. Mais très vite, les trottoirs laissent la place à la Pampa que la route balafre. On se sent alors tout petit !
Los Sauces, une élégante « estancia »
Mais avant d’aborder le mythique Perito Moreno, passage obligatoire à Los Sauces, élégante et agréable estancia, membre des Small Luxury Hotels et propriété de la présidente, Cristina Kirchner. Ancrée le long des rives du arroyo Calafate et face à la Bahia Redonda du Lago Argentino, l’architecture du Los sauce reprend les codes argentins de la Pampa, au sein de 4 hectares de végétation. Plus qu’un hôtel, plutôt plusieurs maisons où se sentir chez soi, dans la décoration chaleureuse et exubérante.
Ses quelques petits bâtiments au toit vert, dispersés dans le domaine, sont accessibles par un chemin en gravier. Un petit pont de bois bordé de troncs noircis et de pierres du pays traverse la rivière Calafate et mène à nos chambres.
Une ambiance de maison privée
Chaque maison déploie une palette de couleurs qui habille les murs des chambres et des parties communes, interpellant la nature qui s’éveille au dehors.
Toutes se composent d’une grande entrée avec un espace ouvert entre salon et salle à manger, d'une jolie cheminée de pierre, et de quelques chambres. La nôtre, baptisée Bosquet, possède une mezzanine, une bibliothèque où se réfugier pour une lecture nocturne et 4 autres chambres, arborant chacune un thème de couleur. Elles expriment des ambiances toutes différentes, décorées par des artistes argentins. Ici une sculpture d’Adriano Verreto, là une peinture de Linda Omo, un coffre ancien, une selle d’époque ou des poufs en peau de vache qui ramènent à la réalité des lieux.
Partout une touche personnelle, un clin d’œil à la Patagonie. Véritable art de vivre où l’hôte, après avoir affronté le froid glacial et les éléments déchaînés, se retrouve dans un cocon.
Le spa, une rotonde octogonale en pierre et baie vitrée, propose quelques massages spécialisés, bienvenus après un trekking ou une balade en 4x4.
Quand au restaurant, de succulents plats y sont proposés chaque soir dans une salle tout de pourpre vêtue. Le personnel est aux petits soins, avec gentillesse et naturel.
Voilà un paradis plein de charme, qui mérite une halte prolongée.
Perito Moreno, le mythique glacier
Le lendemain à 08H, alors que le soleil est encore caché par les nuages, nous partons à la quête du célèbre Perito Moreno. Empruntant la route qui serpente, fait des méandres dans les steppes arides, nous faisons 80 km pour accéder au saint des saints, le glacier Perito Moreno
L’œil happe ces étendues désertiques vertigineuses, couvertes d’épaisses touffes herbacées, d’arbres morts ou de troncs noircis par le feu. Et surtout la présence du lago Argentina, immense étendue liquide bordée par les chaînes de montagnee au loin, ces légendaires cathédrales des alpinistes, fascine par son étendue et sa beauté irréelle.
A un tournant dans le parc des Glaciers, appelé le virage de l’exclamation, nous ne pouvons nous retenir de hurler de joie.
Perito Moreno, joyau de glace démesuré, sculpture aux formes tortueuses, de 30 km de long et d’une superficie de 300 km² entouré de sommets enneigés, de forêts de lenga et de nirre (hêtre de l’Antarctique) se dévoile. Nous en restons sans voix. Un petit bateau nous permet d’accéder au pied du glacier pour chausser les crampons et laisser notre trace éphémère. Au fil des années, depuis 1947, il n’a jamais cessé de se régénérer, contrairement aux autres glaciers, car il bute contre la péninsule de Magellan et sa conque restant à l’ombre, la neige qui tombe redevient glace. Perpétuellement en mouvement, seul parfois le fracas d’un bloc de glace qui se détache, rompt le silence.
Ici la réalité raconte en silence ce qu’il a fallu de temps pour forger ces cathédrales de glace.
Moment de pure émotion.
Rencontre avec les icebergs
Le lendemain, nouvelle séquence émotion avec la croisière à partir de Puerto Bandera, à 50 km à l’ouest de Calafate sur le lago Argentino, à la rencontre des icebergs qui se détachent des glaciers Upsala, Spegazzini et Périto Moreno.
Upsala est le plus grand glacier - 595 km² - et ses parois émergées ont une hauteur de 60 à 80 mètres. On imagine sans peine que pour 80 m de visibles, 700 mètres sont sous l’eau !
Les blocs qui se détachent arborent des bleus inconnus, changeant au gré de l’humeur du temps.
Soudain, un morceau d’iceberg d’un bleu fluorescent étincelle de lumière et le ciel prend à son tour des couleurs inédites.
Ici on voit en "live", un paysage homérique : montagnes sombres comme un ciel noir, glaciers aux reflets bleutés qui viennent flirter tout près du bateau, sommets aiguisés.
Ces paysages nous font frissonner pour ce qu’ils expriment en silence. La lumière intensifie aussi l’imagination et ces icebergs passent du bleu laiteux, du blanc neigeux au bleu cobalt.
La Patagonie se plaît ainsi à la démesure chromatique
Comble du luxe, un marin arrive à pêcher un petit morceau d’iceberg et nous buvons alors un whisky/iceberg !
Et pour finir, une balade en 4x4
Et pour que les émotions soient complètes le lendemain, une balade en 4x4 sur la montagne Huyleche qui surplombe Calafate nous attend.
Pablos, un jeune argentin au regard de braise taillé et à la serpe, nous attend dans son véhicule pour nous faire découvrir la pampa, dans toute sa splendeur. Durant la balade, bavard comme une pie, Pablos nous raconte dans son jargon mi-anglais mi-espagnol, la vie des gauchos et des éleveurs. Véritable sacerdoce que de se retrouver sur ces terres en hauteur, balayées par les vents continuels venant de l’ouest, sans aucun être vivant à perte de vue. Authentique paysage lunaire, entrecoupé de grandes étendues de steppes ou de neige. Heureusement un chocolat chaud sous une tente à 1000 mètres d’altitude nous réchauffera et nous réconciliera avec la nature, car le vent qui souffle, venant du Pacifique, est véritablement glacial.
Deux haltes sur des promontoires pour la vue et l’émotion sont là, à palper du regard ce qui n’a longtemps été que des mots imprimés sur du papier.
Septembre 2009
Par Katya PELLEGRINO